C’est sans rien en savoir que je me suis lancé dans cet « Attack The Block » et – franchement – je ne peux que louer son évidente efficacité.
Tout se lance très vite. On pose les éléments sans perdre de temps dans des simagrées inutiles. Mais surtout ce film parvient à installer très rapidement ce qui va faire sa force : son ton.
Car à bien tout prendre, il n’y a rien de véritablement original à lancer une intrigue d’invasion d’aliens et broder une sorte de survival à partir de ce postulat-ci.
Par contre, ce qu’il y a de rafraichissant c’est de faire ça dans une cité, en brisant sans cesse les codes et les représentations.
La scène d’intro en est au fond une remarquable illustration de cet esprit de rupture.
On ouvre d’abord sur une comète étrange qu’on voit traverser le ciel nocturne…
…Sauf que non : le traveling descendant nous fait comprendre qu’il s’agit surement d’un des nombreux feux d’artifices qui éclatent en cette soirée de célébration.
On se retrouve alors à la sortie d’une supérette à suivre une jeune-femme sans défense qui se retrouve brusquement suivi par des loubards. L’héroïne semble dès lors posée et l’élément perturbateur également…
…Sauf que non : la comète qu’on avait aperçu au début du film est bien un corps astral singulier qui n’avait rien à foutre là. Il s’écrase sur une bagnole et les loubards se mettent à le pourchasser. Alors les loubards deviennent soudainement les héros.
On se dit à partir de cet instant que va commencer une longue traque dans laquelle les héros vont y laisser des plumes.
Sauf que non : la bébête se fait pourrir et les héros la trimballe dans le quartier en guise de trophée…
…Et au fond, cet esprit de rupture on le retrouve en permanence.
Or ce qui rend cette mécanique si rafraichissante c’est qu’elle est toujours au service d’une vision bon-enfant de cet univers qui est en général misérabilisé : la cité.
Au final tous ces truands sont de grands gamins, mais de grands gamins qui n’ont pas froid aux yeux parce qu’on sent qu’ils sont habitués à morfler.
Et c’est ce qui transforme cette démarche en un spectacle frais parce qu’iconoclaste : voilà que les petites frappes des quartiers deviennent finalement les meilleurs remparts contre une invasion alien ce qui renverse totalement les rapports de valeurs, et surtout ce qui renverse considérablement les figures associées d’habitude au genre.
Alors vous allez me dire qu’avec ça on n’a pas de quoi tenir sur toute la longueur d’un film ce qui est bien vrai.
Mais fort heureusement « Attack the Block » présente plusieurs mérites face à ce constat là.
D’abord il est court – moins d’une heure et demie – ce qui fait qu’il se résout assez vite sans s’attarder sur le superflu.
Ensuite il est formellement assez malin. Même si sa photo est d’assez mauvais goût (sombrant dans l’habituel couple orange-bleu), elle joue très bien des effets de fumées, des éclairages artificiels et des jeux de clairs-obscurs. L’effet fonctionne d’autant mieux que les cadres sont stables, équilibrés et coupés sans excès frénétiques.
De même sa narration coulisse toute seule. L’air de rien ce film sait toujours poser subtilement les éléments qu’il devra utiliser par la suite.
C’est le cas par exemple des feux d’artifices qui justifie leur usage régulier de fusées éclairantes ou bien encore du personnage de Brewis qu’on sait introduire rapidement en tant qu’étudiant susceptible d’apporter tous les détails techniques concernant les extraterrestres.
Et puis enfin – et surtout – « Attack the Block » a le mérite d’avoir un propos ; qui plus est un propos cohérent avec tout le reste.
Parce qu’au fond le sujet ce ne sont pas les aliens, mais bien la cité.
D’ailleurs toute la dynamique de l’intrigue est au final basée là-dessus ; sur la vie de la cité.
Les aliens, à bien tout prendre, on s’en fout un peu. Ils sont juste le catalyseur qui a permis de faire émerger ce qui ruine cette cité de l’intérieur.
Et l’air de rien, sur ce point, Joe Cornish parvient à produire un vrai discours de cité pour la cité.
Car que nous raconte vraiment cet « Attack the Block » ?
A bien y regarder, ce film nous montre que le vrai problème des prolos c’est qu’ils n’ont pas conscience de ce qu’ils sont vraiment.
Sam est agressée par Moses parce qu’il était persuadé que c’était une fille plutôt aisée. Alors qu’en fait c’était une prolo comme lui.
Sam ne manquera d’ailleurs pas en retour de charger Moses auprès de la police parce qu’au fond il est pour elle un élément problématique de sa cité.
…Et puis le déroulement de l’intrigue vient progressivement bouleverser tout ça.
Face à la crise d’une attaque alien, les habitants de la cité prennent conscience qu’ils ne vont pouvoir compter que sur eux-mêmes ce qui les amène à se rencontrer, à se solidariser, à se connaitre.
Et soudain les regards changent. Et des regards s’ensuivent les actions.
Moses est alors prêt à se sacrifier pour la cause. Sam est prête à défendre Moses face aux policiers.
Parce qu’elle a été attaquée, la cité est devenue plus forte. Et elle est devenue plus forte parce qu’elle a su se créer une solidarité entre tous ses membres.
En cela je trouve que l’histoire des deux petits gamins, Mayhem et Pops raconte aussi quelque-chose qui va dans ce sens.
Ils réclament le droit d’être reconnus au travers de leurs sobriquets, et ce droit ils l’obtiennent en osant aller au front pour sauver un des leurs.
CQFD.
L’air de rien, au-delà du divertissement frais et de l’esprit bon-enfant, il y a aussi un propos qui n’a pour moi rien d’anodin et de superflu.
J’y verrai même le cœur de ce film.
Un cœur qu’on pourrait presque retrouver dans le titre, plus ambigu qu’il n’y parait.
Ce film ne s’appelle pas « The block under attack » mais bien « Attack the block ».
Alors certes, on pourrait traduire ça par « attaquer le quartier » mais on peut aussi le voir comme une injonction, voir un défi.
« Vas-y… Attaque le quartier… Et tu vas voir ce qui va se passer… Tu risques d’être surpris. »
Moi j’avoue que c’est le genre de déclamation qui me plait bien.
Et j’ai presque envie de dire : gare à celui qui va s’amuser à s’en prendre à ce genre de cité, parce qu’en réponse, la cité pourrait bien se réveiller…
…Et le claquer. ;-)