C'est totalement par hasard que hier j'ai découvert qu'une avant première de ce film était proposée aujourd'hui dans un cinéma de ma ville, avec présence de Bruno Dumont. Saisissant l'occasion de voir le film qui m'intéresse le plus cette année (il faut dire que Dumont m'a réellement estomaqué avec Flandres), je me suis rendu à la séance, mais j'avais un peu peur, peur de me retrouver déçu devant ce film que j'attendais tellement, peur que Dumont soit un connard et que ça gâche mon plaisir etc.
La première chose qui frappe, c'est la beauté des plans, c'est juste sublime, Dumont va chercher des paysages qui sont sans doute très beau à la base, mais parvient à en faire quelque chose de très fort. J'ai l'impression que Dumont est le seul cinéaste français actuel, avec Depardon, à oser filmer la France, ses paysages etc. Alors certes les deux n'ont pas du tout le même but, l'un est dans la retranscription de la réalité et le documentaire, l'autre pas du tout, si je ne suis pas chauvin pour un sous, ça fait vraiment du bien de voir un cinéaste avoir de l'estime pour ces paysages, et ne pas les cacher.
Comme toujours avec Dumont, on accède très vite à de l'invisible, c'est à dire qu'il filme ce gars et cette fille, qui ont des vraies gueules, et on voit leur âme jaillir de l'écran, on est dans le sublime encore une fois, il n'y a pas besoin de parler, juste de les voir.
Ces acteurs transpirent la vérité, dans leurs gestes, leurs regards, et ça c'est vraiment beau.
La construction du film est en elle même passionnante, on commence par des scènes qui se répètent, qui prennent de plus en plus un sens, jusqu'à qu'on comprenne qui est ce mec, ce qu'il fait, et qu'on nous livre ce film mais absolument grandiose. Je ne vais pas spoiler, mais, cette fin non seulement je m'y attendais, connaissant Dumont, ayant vu Hadewijch, mais aussi parce que tout simplement c'était la plus belle fin possible.
C'est tellement beau, sincère, que j'en avais la larme à l'oeil, on n'est pas dans le pathos pour émouvoir la ménagère, on est dans le beau le plus pur. Il n'y a pas besoin d'intellectualiser, juste de ressentir ; de vivre. Dumont l'expliquait très bien après le film, en répondant à un mec qui avait fait une théorie tout à fait improbable sur le film, mais besoin de chercher midi à quatorze heure, c'est tout simple.
Et je pense que c'est de cette simplicité dont vient la beauté inénarrable du film.
Il faut avoir l'intelligence de se laisser porter, de ne pas se braquer, ne pas analyser tout et n'importe quoi, ainsi la beauté fondamentale ne pourra que frapper le spectateur.
Enfin, c'est pas un film qui ferra l'unanimité, Dumont est un artiste très spécial, qui a sa propre vision des choses, et il peut laisser bon nombre de cinéphiles sur le côté, mais je pense qu'il faut avoir l'ouverture d'esprit de se laisser envahir par ce monde. Plusieurs personnes ont quitté la salle avant la fin, ils ne devaient sans doute ne pas s'attendre à ça, pas besoin d'être un grand cinéphile pour aimer, mais il faut avoir une certaine envie de se laisser porter.
Le film peut rappeler parfois la démarche de Pasolini avec le jeux des acteurs cherchant l'expression, ou bien à Bresson dans sa manière de ne pas dire la même chose avec l'image et le son.
Mais outre la beauté purement sensoriel du film dans le son et l'image (ici point de musique), il y a la magnificence de l'histoire tout simplement, alors je ne veux pas la raconter, mais c'est je pense une des plus belle histoire que j'ai vu au cinéma, c'est à la fois tellement beau, et ça parle tellement au spectateur, je pense que Dumont a réellement réussi son pari avec ce film, de faire voir le spirituel. On n'est pas dans un film avec une intrigue ici, on n'est plus dans des considérations aussi basses, on s'élève vraiment avec le film.
Alors je ne sais pas si je préfère ce film ou Hadewijch (si je devais faire un classement des films de Dumont, bien que de toute façon je préfère Flandres), ni si c'est mon film préféré de cette année, Pater était lui aussi excellent, novateur, avec une véritable âme et une conception radicale du cinéma, mais ce Hors Satan (quel titre magnifique), est vrai un grand film, et ça fait du bien de voir ça au cinéma, de voir quelqu'un parler à l'intelligence du spectateur, lui parler de son âme, sans mot, juste avec des images, des idées, des sons. Grandiose.