Un film lucide, courageux, parfois âpre et désespéré, qui évoque toute une frange de la population de condition modeste, isolée des villes, et parfois à l'abandon. En proie à l'injustice, à des difficultés de langage ou au crime, que leur reste-t-il pour survivre ? Etrangement doté d'un pouvoir de guérison, le personnage principal, un marginal rendu à un état animal, n'est pas sans évoquer celui, tatoué du « Love » et « Hate », de La nuit du chasseur. Avec Hors Satan, film quasi-mystique proche du cinéma de Robert Bresson, Bruno Dumont de par une mise en scène soignée et dotée d'un magnifique cinémascope, apporte un peu de lumière à un monde social englué dans les ténèbres. Un miroir difficile à regarder, et très dérangeant, de ce que notre société hautement technologique et confortable a produit pour adoucir la vie des uns tout en ignorant l'existence des laissés pour compte. Ce sont justement ces êtres que prend le parti de filmer Bruno Dumont, l'autre partie du monde n'intervenant que sous forme de figurants sans paroles audibles, comme si tout un mur séparait une classe de de l'autre. On est loin du cinéma spectacle, du divertissement, mais peut-être que le septième art reste encore le seul moyen d'évoquer, telle la peinture, des tâches opaques sous un ciel bleu, la clarté devenant soudain chargée d'une véritable richesse, à saisir sur l'instant, avant que celle-ci ne disparaisse à nouveau dans l'obscurité.