Le fossé entre les critiques presse et les critiques spectateurs est très intéressant. Les Adieux à la Reine est encensé par les critiques alors que les spectateurs semblent le bouder. Ayant vu ce film hier, je donne aujourd'hui mon avis afin de nuancer ce gouffre. La révolution française est une période que je trouve passionnante, et la grande force de ce film est de la montrer sous un tout autre jour. On assiste en fait à un huis-clos Versaillais, entre les dorures et les rats, la Reine et les domestiques. Cette vision innove, enfin de l'originalité dans un sujet aussi éculé que la Révolution ! En outre, le tout est perçu par la lectrice de Marie-Antoinette (Diane Kruger), Sidonie Laborde (Léa Seydoux), jeune fille en fleurs amoureuse des livres et très attirée par la Reine... Toute sa vie tourne autour de cette dernière, elle pourrait faire n'importe quoi pour elle. De son côté, Marie-Antoinette se languit d'amour (ou tout du moins d'un sentiment très ambigu) pour la Duchesse de Polignac (Virginie Ledoyen). La bande-annonce peut laisser à penser que le film est centré sur leurs amours : que nenni ! Et de toute façon, ce n'est pas, à mon sens, ce qui est le plus intéressant. La nouveauté réside dans le fait qu'on découvre les dessous de Versailles, les couloirs sombres, la vie des gens de maison. Tout est perçu de leur point de vue. Les couleurs du palais royal, mondain sont très chaudes, dorées, précieuses. Celles de l'envers du décor sont froides, bleutés. Le contraste est donc bien présent et permet de mieux apprécier le Versailles dans toute sa splendeur. On ne peut s'empêcher de comparer Les Adieux à la Reine au film de Sophia Coppola. Autant le dire tout de suite, il ne s'agit pas du tout du même univers. Diane Kruger incarne ici une Marie-Antoinette qui oscille entre la frivole, la capricieuse, la sensible : l'inconstance traduit son caractère. Tantôt on l'apprécie, tantôt on la déteste, ce qui permet d'éviter tout effet manichéen. Léa Seydoux est une Sidonie à l'allure calme et douce, qui désire pourtant ardemment la passion, d'où son attirance pour « Paolo » (qui s'appelle en fait René ?). Mais peut-être se tourne-t-elle vers le jeune homme pour oublier la Reine... Le film, qui s'étale sur 4 jours, peut être qualifié de films de femmes : les personnages masculins semblent ployer sous le poids du charisme des figures féminines. On ne voit que très peu Louis XVI. M. Moreau est plus présent et joue le rôle du sage informateur (bien qu'il picole dans son coin...). Cette dimension féminine se retrouve dans la grâce de la réalisation, sa sensualité, son clair-obscur très prononcé. Le trio d'actrices principales est très convaincant (surtout Diane Kruger et Léa Seydoux, Virginie Ledoyen n'était pas si présente que cela). Léa Seydoux prouve une fois de plus son talent et éblouit par sa fraîcheur et sa sensibilité. La réalité historique est plutôt respectée, même si l'Histoire ne semble pas être le point de mire de Jacquot. Les Adieux à la Reine peut plutôt s'approcher du film psychologique, il travaille sur la figure de la Reine, l'attraction et la fascination qu'elle suscite. Bien entendu, on pourrait tergiverser longtemps sur la véracité de la relation M-A/Gabrielle de Polignac. Mais le fait est qu'elle rend bien dans le film. Toutefois, elle est beaucoup moins présente que dans la bande-annonce... J'ai précédemment dit que cela ne me dérangeait pas, mais tant qu'à vouloir présenter cette relation, autant le faire à fond. Là, on reste un peu sur sa faim de ce côté-là. La fin est aussi un peu décevante, l'intonation de la voix n'indique pas une fin en tant que telle puisque la voix ne baisse pas... Oui je pinaille, mais c'est frustrant. On assiste néanmoins à un film de qualité, devant lequel on ne s'ennuie pas. Mais, à mon sens, le projet aurait pu être encore plus creusé. En somme, Les Adieux à la Reine est l'histoire d'un sacrifice, celui d'une jeune fille dévouée qui rêvait se faire corps avec le soleil mais qui, en s'y brûlant les ailes, se retrouve condamnée à errer loin dans l'univers... afin de sauver l'étoile chérie par la Reine. L'histoire d'une révolution qui gronde, d'un Versailles qui sombre, et d'individus qui assistent, impuissants, à sa chute inexorable.