Singulière histoire que celle de ce film, long projet commun de Pina Bausch et Wim Wenders, devenu par la force des choses film hommage après le décès brutal de la chorégraphe. L'enchantement suscité l'an dernier par Les rêves dansants, fantastique documentaire sur la danse et la création artistique comme Acte essentiel, donnait forcément envie de prolonger l'expérience. En répondant à nos attentes, en donnant à voir une partie du travail de Pina Bausch et de ses danseurs, le film de Wim Wenders s'inscrit tout autant dans l'œuvre d'un cinéaste déjà capable du meilleur (L'Etat des choses, Paris, Texas, Les ailes du désirs) que dans l'histoire des arts. Si Pina Bausch a révolutionné la danse, notre expérience de spectateur révolutionne nos perceptions de l'art. Construit comme un dialogue visuel et sensoriel entre de longs passages de quatre des pièces de la chorégraphe, et les témoignages de ses danseurs prenant la forme de soli filmés hors du théâtre, Pina nous permet de saisir toute la force, la subtilité et la profondeur d'une création profondément humaine. Faisant appel à tous les sens, à tous les éléments, substantifique moelle de l'Humain, charnelle, violente et poétique, l'œuvre de Pina Bausch nous bouleverse autant qu'elle nous impressionne. Portée par des danseurs vertigineux se donnant corps et âmes pour un art qui nous surpasse pour mieux nous évoquer, nous parler, nous réunir, elle forme un tout essentiel et profond. L'intelligence de Wenders est de s'être effacé tout en prenant soin d'offrir à la chorégraphe le plus beau et le plus humble des écrins. Justifiant son choix de la 3D par sa volonté de nous placer au plus près des danseurs, il l'utilise pour donner de la chair à une création qui n'en manque déjà pas. Indispensable à ses yeux, cette 3D ne convainc pas forcément. Disons qu'elle semble accessoire. Ce qui compte c'est la beauté indescriptible d'une œuvre merveilleuse, dont la spontanéité semble tangible tant le travail fourni est millimétré. Témoignant en voix off sur des plans muets et pudiques, les danseurs évoquent avec respect et amour les mots d'une créatrice qui savait d'une phrase directe et humaine, sans aucun intellectualisme, leur donner la direction à prendre. Si l'on connaissait peu de choses à la danse, mais qu'on s'y connaît un peu en cinéma, littérature, musique, peinture ou architecture, s'imprégnant tout entier du spectacle que Pina nous offre, on sait désormais que de tous les arts, la danse est le plus riche mais aussi le plus pur. Et le plus beau.