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Fêtons le cinéma
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3,5
Publiée le 9 mai 2024
À la monumentalité du biopic consacré à Gandhi par Richard Attenborough en 1982 (plus de trois heures !) répond la modestie de Jinnah, qui s’empare d’une figure peut-être moins célèbre aujourd’hui, fondateur mythique du Pakistan, avocat et homme politique qui, à la différence de son homologue indien, interrogea le recours fatal mais nécessaire à la violence et aux affrontements armés pour sauver les Musulmans minoritaires de l’oppression anglaise et hindoue. Il n’est pas anodin d’ailleurs que le film s’ouvre sur la disparition des archives numériques relatives à son existence, métaphore habile d’une postérité qui n’a pas su conserver son nom ; cette métaphore filée légitime d’ailleurs une écriture fragmentaire du scénario qui malmène intelligemment la chronologie pour faire dialoguer Muhammad Ali Jinnah avec lui-même saisi à différents âges et à différentes périodes de sa vie. Surtout, ce choix pour le moins singulier confère une plus grande humanité au personnage, lui offrant un décalage souvent comique qui marche contre l’idée reçue qu’il fut un homme sinistre. Une séquence amusante montre Jinnah et sa sœur Fatima rester de marbre face à la boutade de Lord Louis Mountbatten, qui suscite pourtant l’hilarité de son épouse… Deux cultures sont au contact l’une de l’autre, avec des intérêts divergents que seuls le statu quo et la promesse d’une séparation étatique sauraient pacifier. Non dépourvu de lourdeurs et de maladresses, malmené par de vaines polémiques au moment de sa réalisation et de sa sortie, invisibilisé pendant de nombreuses années – le réalisateur Jamil Dehlavi a été dépossédé des droits de son œuvre –, le long métrage mérite d’être (re)découvert pour son apport historique essentiel, ainsi que pour la performance de Christopher Lee, méconnaissable ici et on ne peut plus convaincant, qui affirma : « The most important film I made […] called Jinnah ».