La force du "Majordome": c'est avant tout l'histoire d'un homme simple, de son métier prestigieux et de sa famille. Oui, sur fond de longue fin de l'esclavage, du racisme anti-Noir profondément ancré dans l'esprit des Américains, de la condition et de la révolte de ces derniers aux Etats-Unis, le tout sur plus de 80 années étalées sous nos yeux. C'est vrai que le réalisateur Lee Daniels nous envoie du large, du lourd et de la quantité, mais toujours en fil rouge, sans véritablement rentrer dans son/ce sujet: à l'image de son personnage Cecil Gaines, le réalisateur nous balade subtilement à travers l'Histoire de son pays en restant témoin des différents évènements qui ont fait évoluer la situation des Noirs, en utilisant différents points de vue qui évoluent aussi avec les époques(
son fils frustré puis révolté, puis engagé,et enfin démocratisé, les Présidents successifs: radicaux, sensibilisés, volontaristes et enfin ... black !!
). Ce sujet multiple fois traité par d'autres de manière plus percutante, ici de manière partielle, rapide avec un certain parti pris manichéen, sert de décor à la vie du Majordome Gaines et ne doit pas être considéré comme le sujet principal de ce film (car dans ce cas, il va forcément déplaire). La rétrospective de l'Histoire des Noirs aux Etats-Unis conditionne la vie d'un homme simple qui ne cherche que la discrétion, la protection de sa famille et l'excellence dans son métier. Mais si l'Histoire va à plusieurs reprises le malmener, l'homme s'efforcera de s'y échapper, de fuir les évènements, préservant à tout prix son cocon familial, persuadé que c'est avec le temps, une certaine sagesse, une persévérance à toute épreuve, que les mentalités et les choses changeront. Et pourtant, l'homme est à la Maison Blanche, en lieu et place où tout peut (faire) changer .... C'est là le vrai sujet du film et toute sa force: LE personnage Cecil Gaines !!! Le Majordome est interprété par Forest Withaker toujours impeccable qui performe du début jusqu'à la fin de ce film. Les seconds couteaux sont impressionnants de vérité (Oprah Winfrey épatante, les multiples caméos en Présidents et Premières Dames,...): le casting brillant et surprenant, le prestige des noms le composant est au service de la qualité de ce film.
Dans le film "La Vie Est Belle" de Roberto Benigni, qui, avec un certain recul, possède beaucoup de points communs avec "Le Majordome" (dans le fait de cacher une certaine réalité extérieure, dans l'allusion de Cecil Gaines aux chambres à gaz américaine en revisitant le village de son enfance,...), l'oncle de Guido (R. Benigni), majordome italien, disait aussi dans ce film de 1998, dans un contexte atroce antisémite: " Tu es en service, tu n'est pas en servage. Servir, c'est l'art suprême". Bravo donc au réalisateur d'avoir fait un hors-sujet avec autant de classe et de subtilité: le message est d'autant plus poignant qu'efficace.