Suintant l’académisme, la guimauve, par tous les pores de sa pellicule, Le Majordome, signé Lee Daniels peine sincèrement à s’affranchir de son ton réellement condescendant. Mort au racisme, mort à la ségrégation, vive les droits civiques. Oui, une fois de plus, la condition afro-américaine des années 50, 60 et suivantes est mise sur le tapis, dans toute son horreur, avec toute la bienveillance que le cinéma US accorde à ce sujet très difficile. Dans les pas d’un esclave affranchis et maintenons majordome à la Maison Blanche, nous traversons les administrations, d’Eisenhower à Reagan, en passant par Kennedy, Johnson ou encore Nixon sans le moindre sursaut, sans la moindre considération autre que celle visant à l’égalité civique entre noirs et blancs. Alors oui, le combat de Daniels est légitime, son œuvre se voulant forte, mais dans les sentiments que peut inspirer le film, rien n’est moins insipide que l’injustice qu’il veut démontrer.
L’on joue à saute mouton avec les évènements qui ont marqués les USA des années 60 à l’an 2000. L’on passe donc comme une furie sur l’assassinat de Kennedy, sur le Watergate, sur la guerre du Vietnam pour en arriver à l’élection, en 2008, de Barack Obama, la consécration d’une cause tout du long défendue en secret par Cecil Gaines, le Majordome. Servir, démontrer ses qualités pour servir aura été la manière de combattre la ségrégation pour ce valeureux homme de table, une homme qui verra l’un de ses fils s’engager auprès de Luther King et l’autre trépasser au Vietnam. Jamais pourtant sa foie en l’Amérique pour tous n’en sera ébranlée. C’est suave, à la limite du niais tant le personnage de Forrest Whitaker, accessoirement grimé d’artifices durant 70% du film, passe son temps à exposer son espoir d’homme d’église en son espèce, l’humanité. Si rien dans le film de Lee Daniels n’est réellement désagréable, avouons tout de même l’overdose de bons sentiments.
Lee Daniels use d’une patine toute proprette pour faire de son film un drame presque romantique. Outre le fait de flouter les pourtours du champ, à l’image de ce qui se faisant sur les films à l’eau de rose du siècle dernier, d’enrober l’image d’une touche de romantisme, Daniels s’applique à faire de l’univers de Cecil Gaines un havre de lumière, un monde fait d’espoir et d’opportunité. Au fil de l’avancement du récit, à juste titre, l’espoir prend la forme d’un aboutissement. Cecil Gaines n’est dès lors plus qu’un maillon, la réelle inspiration dès lors étant concentrée sur ses fils, principalement sur celui qui intègre le mouvement des Black Panthers, en désaccord total avec les valeurs de son respectueux père. Quoi qu’il en soit, bientôt Forrest Whitaker en est réduit à jouer la composition sans ne jamais vraiment être celui qui se bat, qui change l’histoire.
Finalement, notons que la popularité du film était primordial pour son réalisateur, qui n’hésite pas à confier des rôles principaux à des stars de la télévision, de la chanson, je pense là à Lenny Kravitz et bien entendu à Opprah Winfrey, la matrone de la famille Gaines. Tout est fait ici pour rendre la cause plus commerciale, quelque chose d’anachronique et de presque malheureux tant la démarche de Lee Daniels semblait honnête. Il s’agissait vraisemblablement ici de monter brique par brique un film à Oscar, un échec donc au vu de sa non-nomination, que je peux comprendre. Il ne suffit plus des bons sentiments, de se déguiser en vieillard bienveillant pour atteindre le public (la dernière séquence entre Whitaker et Winfrey est ridicule), mais il faut de l’engagement, un engagement que malgré toute ses qualités, Le Majordome n’a pas. Un lisse et agréable souvenir de mémoire, un travail prédestiner à faire durer la légende de ce soulèvement noir dans l’Amérique des blancs tous puissants. S’il est pleinement légitime, le Majordome n’en n’est pas pour autant une réussite, soyons clairs. 09/20