Le documentaire de Jean-Pierre Thorn est original car il s'intéresse de près au département de la Seine-Saint-Denis, ou plus communément appelé le "9-3". Depuis les années 60, il a vu éclore bon nombre de tendances musicales, censées représenter le mal être vécu par les habitants du département (ceux que l'on nomme aujourd'hui "voyous" ou "racailles"), sont aux origines du rock, du punk, du rap, du hip-hop et plus récemment du slam. Pour fuir la réalité, c'est par le biais d'une résistance musicale qu'ils ont tenté de s'exprimer, par le biais d'une contre-culture, en réinventant certains codes, en créant une nouvelle culture musicale propre à eux afin de se faire entendre. De Bérurier Noir à DJ Dee Nasty en passant par le groupe (tant décrié) NTM, 93 La Belle rebelle (2011) nous fait faire un bond dans le temps à la découverte d'un département riche de cultures, de métissages et d'identités, un territoire qui n'a de cesse changé au cours de ces 50 dernières années, intéressant tout au long !
L'intérêt du film, c'est d'abord d'illustrer 50 ans de résistance musical en Seine-Saint-Denis, mais sa grande force c'est sans doute de parvenir, sans tomber ni dans le brûlot politique ni dans le pur film musical déconnecté du milieu dans lequel la création s'élabore, à mettre en parallèle les logiques de réaction du monde politique et les mouvements de création et de revendication des populations défavorisées.
C'est fin, c'est intelligent, parfois drôle, parfois grinçant ("le bruit et de l'odeur" ça vous rappelle quelque chose ?), mais c'est surtout un formidable haut-parleur tendu à ceux - les artistes - qui refusent l'état de fait qui voudrait que les classes laborieuses vivent, travaillent et meurent... en silence ! PS: le réalisateur Jean-Pierre Thorn, fait le tour des salles pour présenter de son film. Si vous avez l'occasion d'assister à une séance en sa présence, courrez-y !! Le bonhomme est assez génial, généreux et impliqué, et parle et de son sujet avec éloquence.