Séance de rattrapage pour ce "Tyrannosaur" que j’avais peur d’avoir définitivement raté. Heureusement, pendant Cannes, les sorties sont moins nombreuses et les petits films peuvent encore se montrer. Quelle chance ! Il faut absolument aller voir cette nouvelle pépite du cinéma britannique, cinéma social tendance Ken Loach - ou Peter Mullan qui joue justement un des deux personnages cabossés de ce film très noir, très dur, mais jamais misérabiliste. Dans un Glasgow miné par le chômage, l’alcoolisme et la violence, Mullan est Joseph, un homme désespérément seul (il a perdu sa femme et vient de tuer son chien) et rempli d’une effroyable colère. Un jour, il rencontre Hannah, qui tient une boutique solidaire. Hannah, c’est Olivia Coleman, une comédienne que je ne connaissais pas et dont je n’oublierai pas de sitôt le sourire. Hannah est une chrétienne fervente, qui croit à l’entraide et à la compassion. Elle va essayer de réconforter Joseph. Mais derrière sa force, son apparente sérénité, on découvre qu’elle cache elle aussi une vie dévastée… "Tyrannosaur" pourrait être un film fabriqué (il existe un cahier des charges à TF1, il y en a sans doute un aussi à Channel 4), un film social bien calibré, voire complaisant. Mais c’est tout le contraire. De ce sujet âpre et presque too much, Paddy Considine tire un premier long-métrage plein de mesure et de pudeur, un miracle d’équilibre et d’humanité. Peu de moyens à l’évidence (bande son minimaliste, pas de travelling..), mais il n’avait pas sans doute pas besoin de plus. Considine se révèle d‘emblée comme un formidable scénariste (la construction est vraiment remarquable ) mais aussi un réalisateur étonnamment doué (avec un sens très sûr du cadre, de l’enchainement des focales, du hors-champ…). Son film m’a attrapée dès la 1ère séquence et ne m’a plus lâchée. Cœur serré, mal au ventre… Jusqu’aux larmes, j’avoue.