Il n’avait pas fallu que j’en entende beaucoup au sujet de Tyrannosaur pour que celui-ci se place instantanément sur mes grands espoirs de l’année 2012. Paddy Considine promettait un film social bouleversant, que l’on pouvait dès lors situer du côté des longs-métrages de Peter Mullan, qui joue par ailleurs le rôle du protagoniste. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces pressentiments sont plutôt véridiques et qu’en effet, Tyrannosaur est un film qui sait retourner le spectateur. Tout d’abord, Considine est parvenue avec une certaine maestria à rendre ses images viscérales, dans le but d’imposer sa direction de spectateurs, en introduisant une certaine empathie entre eux et les personnages de l’histoire. Tout ce qui est montré à l’écran semble s’inspirer de faits réels, et on ne met pas longtemps à sentir que ce récit, le réalisateur l’a très certainement vécu de près ou de loin. C’est tous ces éléments qui font de Tyrannosaur une œuvre à la fois éprouvante et dérangeante. Ce genre de procédés demeure particulièrement exploité dans le cinéma britannique, de par son patrimoine plus ou moins glorieux du 20e siècle. Chaque plan de Tyrannosaur est empli de la crasse d’un quotidien inconfortable, où les cinquantenaires passent leur vie au pub et les plus jeunes sont occupés à se battre contre les gangs adverses. De fait, le climat instauré par Considine est merveilleusement peaufiné, des décors jusqu’à la photographie grisâtre, et pourtant très belle. Tout cela en abordant, par la même occasion, les grands fléaux qui ont su toucher la population moyenne d’Irlande et d’Ecosse, au cours du 20e siècle. Ainsi, les thèmes principaux du long-métrage sont la religion, l’alcool, la violence conjugale – ou non – et la perte d’un être cher. Pour le coup, on pense beaucoup aux deux films principaux de l’acteur principal, Peter Mullan, à savoir Magdalene Sisters et le plus récent NEDS. Dans Tyrannosaur, il y a cette même tonalité dramatique, emplie de fatalité, où les personnages sont forcés d’avancer, tête baissée, dans l’espoir d’un meilleur avenir. Par ailleurs, Peter Mullan est une des réussites majeures du film, essentiellement parce qu’il a lui-aussi su apporter une certaine dose de malpropreté. Son interprétation est tout simplement fabuleuse et pleine d’émotion. Un rôle bouleversant qui s’accorde à merveille avec la non-moins bonne Olivia Colman, tantôt époustouflante de stoïcisme, tantôt profondément pathétique. À leurs côtés, les seconds rôles sont eux aussi très bons, du mari au voisin teigneux. Un excellent casting, donc. En conclusion, Tyrannosaur est un savant mélange de poésie et de simplicité, qui parvient sans mal à bouleverser par toutes les émotions qu’il véhicule. Deux grands interprètes mêlés à un metteur en scène de qualité, cela fait forcément des étincelles. Brillant.