Comme à la mode du "Plus y'en a mieux c'est" , vous serez confronté dans "Tyrannosaur" à un vieil alcoolique paumé qui frappe son chien, à des ciels gris et des horizons décharnés (normal, c'est en Angleterre), à une jeune femme qui derrière son masque de bonne chrétienne se fait uriner dessus et cogner par son mari en manque d'amour propre. Vous y entendrez des évocations de ce que fait le salaud époux à ladite femme (du verre pilé dans le vagin entre autres), puis viendra l'évidente rencontre entre le vieux cinglé alcoolique et la jeune victime qui, derrière un coeur de pierre commun, vont se révéler l'un à l'autre et tomber un peu amoureux - mais pas trop, car l'amour c'est bien connu, on le mérite. Vous croiserez aussi un vieux cancéreux qui meurt dans son lit, le souvenir d'une épouse obèse amputée des deux jambes, vous y verrez un meurtre sanglant, des horizons morbides et des rayons de soleil gris. Il y a des gens qui se tabassent, une jeunesse désoeuvrée, une vieille génération qui l'est tout autant, un voisin abruti qui lâchera son chien sur le petit garçon de sa copine (et le plan de défiguration qui va avec). Bref, vous êtes face à un film anglais, mais attention, pas chez Ken Loach. Amis de la finesse sociologique, de l'ambiguité morale, du combat idéaliste, du propos bienfaiteur, de l'humour cerné dans une tragédie, passez votre chemin : vous êtes ici en plein dans le marasme d'un cinéma britannique tristement répétitif et sérieux où il n'est question que de la chronique d'une misère sociale mise en scène avec une belle caméra et un talentueux directeur de la photo. Le film est, dans sa volonté miséricordieuse, réussi ; il invoque quelques émotions fortes, ne surprend jamais mais touche toujours à son but. Il reste juste à accepter l'infamie d'un tel manque de distance ou alors juste se laisser porter par la force brute des sentiments, et ne pas trop être sensible au sort que l'on réserve aux chiens. Il faut oublier qu'en cinéma la subtilité est un paramètre primordial et qu'en rendant Beau ce qui est Laid c'est d'autant plus moche et factice. Il faut être bon joueur, ouvrir son coeur, son esprit, se dire qu'il y a de l'espoir, et surtout deux interprètes sublimes. En somme, il faut se laisser séduire par la sincérité d'un réalisateur novice qui n'a juste pas fait les bons choix de mise en scène et a trop voulu faire du Cinéma (le mauvais sens du mot, donc).