Treize ans après le premier opus, les producteurs de la saga American Pie ont décidé de faire un nouvel épisode, sur la réunion des anciens élèves du lycée, qui est le seul non écrit par Adam Herz, le scénariste de la série.
En effet, ce sont Hayden Schlossberg & Jon Hurwitz, déjà responsable de l’excellent Harold & Kumar Escape from Guantanamo Bay, qui écrivent et qui réalisent l’opus de l’âge adulte. Car c’est bien la notion de temps qui passe qui intéresse le plus nos deux scénaristes. Tout le film tourne autour du principe que 13 ans se sont passés et que beaucoup de choses ont changé. En effet, Oz n’est plus avec Heather, Kevin s’est marié, Stifler a un boulot stable dans lequel il travaille d’arrache-pied, bref, nos personnages ont bien grandi. Et la force du scénario réside dans le fait qu’on ne nous explique rien au début du film. Le spectateur visé, celui qui a vieilli en même temps que les héros du film doit comprendre lui-même que tout s’est passé pendant les 13 ans d’ellipse et que c’est la vie, si Oz et Heather ont du se séparer. Ce qu’ils pensaient être un amour éternel avec leurs esprits d’adolescents un poil naïfs n’était qu’un amour de jeunesse. Voici une vision réaliste, pas forcément universelle, mais logique de la vie. C’est ici la grande réussite du film : le réalisme, qui amuse bien sur, mais qui fait réfléchir et qui émeut, parfois, pendant 20, 25 minutes au milieu du film. Tant que le film parle de nostalgie, de retrouvailles à peine feintes (la scène au bar est vraiment drôle et émouvante), il s’en sort très bien. Vraiment très bien. Autre exemple, l’absence pendant la quasi-totalité du film de personnages que les fans de la saga attendaient : Sherminator, Nadia, Jessica voire même Vicky… Au premier abord, le fan va être déçu que le film ne montre ces personnages qu’à travers des scènes d’apparent fan-service avant de comprendre que c’est la vie, aussi, de ne pas revoir toutes ses connaissances du lycée. Même si Kevin sortait avec Vicky dans le premier opus, ils se sont éloignés inexorablement. D’où l’absence de Jessica. Le film baigne dans une logique réaliste implacable et presque triste (j’ai été à un moment ému aux larmes) car universelle.
Le film s’en sort malheureusement moins bien dans la comédie pure, où il se place entre le premier et le deuxième, malheureusement plus proche d’American Pie 2. En effet, certains gags tombent à l’eau, d’autres sont un peu outranciers et reposent sur de la matière fécale ou de la nudité. Heureusement, on rit quand même bien fort sur certaines répliques très efficaces (celle de Ricky Martin) ou certains gags visuels vraiment très forts (le coup du vagin-barbe de Kevin par ce diable de Stifler). De plus, on n’arrive pas toujours à offrir des gags originaux, en témoignent les costumes sado-masos et la fellation dans la voiture. Encore une fois, le côté comique du film est sauvé par les acteurs, réellement géniaux. Chris Klein prouve qu’il nous a terriblement manqué dans le troisième opus, Thomas Ian Nicholas montre ses talents, qui manquent vraiment dans le paysage cinématographique américains, Jason Biggs est excellent, Seann William Scott en fait des caisses et des caisses pour notre plus grand plaisir coupable, mais c’est l’excellentissime Eugene Levy qui remporte le concours du meilleur acteur, tant il est drôle, émouvant, plein de bon sens, sympathique et surtout joyeusement de bonne humeur malgré tout ce qui peut lui arriver. La mise en scène le met (enfin, serait-on tenté de dire) en valeur, ce qui est la plus grande réussite. On regrettera le rôle un peu trop important de John Cho, qui détonne un peu avec son rôle dans la saga, sans doute dû à son amitié avec les réalisateurs et sa notoriété qui grimpe en flèche.
American Reunion n’est pas le meilleur American Pie, loin de là, mais il reste un film qui vaut principalement par son implication dans la saga, offrant une conclusion bienvenue à une saga qui se démarque par sa finesse et son intelligence, sa chronique de la génération 90’s, derrière une grosse couche de gags délibérément ultra-vulgaire. C’est le film qui en comprend le mieux l’essence et les enjeux dramatiques. C’est donc une réussite. En revanche, je n’en reprendrai pas volontiers une part, toute autre suite casserait l’esprit de conclusion que le film apporte.