Le Havre, son port, ses cargos, sa pluie. Une jeune fille meurt assassinée en pleine rue à 3 heures du matin et personne n'a rien entendu, ni prévenu la police.
L'affaire semble bien mal embarquée pour la police locale. Mais, un homme se tait. Pierre (Yvan Attal), ne dormait pas ce soir-là, il a tout vu, tout entendu, mais n'a pas bougé et ça le hante jour et nuit. Louise (Sophie Quinton), sa femme, est complètement désemparée devant le désespoir de son mari, mais elle est aussi sidérée par sa lâcheté.
Puis un jour, Pierre, dévoré par les remords, va tout avouer aux policiers, déclenchant dans le même temps une vague d'aveux, de 37 autres témoins aussi silencieux qu'immobiles.
Le dernier film de Lucas Belvaux stigmatise cette France qui se tait, repliée sur elle-même, cloitrée derrière les fenêtres de ses appartements.
L'histoire, contée à travers le prisme d'un couple, qui lui aussi ne se dit plus grand chose depuis longtemps, résonne dans les tristes rues du Havre.
La ville joue un véritable rôle de 39ème témoin dans ce film, son port, ses plages, son église au clocher gigantesque, elle regarde ses habitants avec tout ce désespoir typiquement normand.
Cela donne un film avec quelques longueurs, notamment lorsqu'il s'attarde trop sur la relation entre Pierre et Louise, que l'on sent dès le début vouée à l'échec.
"38 témoins" brille surtout par son ambiance, obligeant le spectateur à être à l'écoute des moindres bruits, des moindres variations de cette bande son lancinante, …
Finalement tout le problème est celui de taire ou non la vérité, mis en exergue par une Nicole Garcia, très convaincante en journaliste en quête de scoop, mais qui n'oublie pas les dommages collatéraux.
Certaines scènes sont assez époustouflantes comme les constats lucides du Procureur sur les réactions de l'opinion publique face à cette affaire. "Vous n'apprendrez rien de plus que les hommes sont tous des lâches" assène t-il pour justifier sa propre lâcheté.
Enfin, Lucas Belvaux livre aussi à mon sens, l'une des scènes de reconstitution de crime les plus bouleversantes de l'Histoire du cinéma ; absolument terrifiante par tout ce que l'on ne voit pas et par tout ce qu'elle suggère.
De façon encore plus subjective, "38 témoins" trouve une étrange résonance dans l'actualité brûlante de ces derniers jours, avec la tuerie de Toulouse. Quand le débat sur le retour peine de mort commence à se faire jour, comment ne pas aussi se poser des questions sur la fragilité des témoignages qui sont aujourd'hui pourtant l'un des moyens de preuves les plus utilisés lors des condamnations. In extenso, qui avait réellement reconnu cet homme au pull-over rouge ?…