Voilà un film bouleversant voire terrifiant ! Pour les accros à l’action, tenez bon, les premières minutes bercées par une guitare solo pour illustrer quelques plans sans dialogues peuvent rebuter. Mais la violence est dans l’inaction justement, dans le suggestif, dans la lâcheté des gens. Je ne parle pas de cette fameuse nuit, mais après les aveux « forcés ». Non seulement, 37 témoins ont déclaré n’avoir rien entendu ou vu mais parmis ces 37 témoins, il y en a qui persistent dans l’erreur en s’en prenant au 38ème ! La violence de la lâcheté est là aussi, perverse, chez monsieur et madame tout le monde. Et que dire des cris lors de la reconstitution. Terrifiants ! Mais le pire dans tout ça, c’est que ça peut se comprendre ! Oui, le silence, violent lui aussi, s’aparentant à de l’indifférence, peut se comprendre ! Terrifiant ! Les cris ont été mal interprétés pour l’un, pour d’autres, il était tard, ce pouvait être des jeunes qui s’amusent. A force de crier au loup, on n’y croit plus ! En effet, la société se déshumanise. Ca n’a rien de nouveau. La tirade de Yvan Attal est bouleversante ; ces aveux, sa douleur, sa culpabilité sont retranscrites avec talent. Les propos du procureur tellement vrais ! Lui seul a su capter la véritable âme humaine. Ce film nous dit d’être prudent ; ne pas penser « moi, si j’étais à leur place, j’aurais fait ceci cela... » Ce n’est pas sûr. C’est ce que nous dit en substance le film à travers le procureur. 38 témoins, c’est beaucoup et raison de plus pour ne pas faire le fanfaron et s’interroger. Pierre Morvan (Yvan Attal) veut comprendre et pour comprendre son inaction, il lui faut un procès ! Aussi étrange que cela puisse paraître, son témoignage qui peut semblait inutile après coup, est une forme de courage. Le courage d’avouer sa lâcheté. Pour enfin se regarder en face. Mais à bien y regarder, doit-on parler de lâcheté ou de peur ? Vaste débat. C’est facile de faire la morale, le choix de Jean-Michel Apathie sur les ondes de l’auto-radio de la journaliste (Nicole Garcia) me paraît judicieux mais est-ce si évident que ça de vaincre sa peur ? Quand on est confronté à la vraie violence, pas celle des films, quand on a jusque là vécu dans un univers « sécurisé », sait-on qui on est vraiment ? Des faits divers de ce genre où des témoins restent silencieux par peur ou par lâcheté, je parie que c’en est plein les armoires aux archives. Ce film dénonce l’indifférence, la lâcheté, la peur, la déshumanisation de la société, mais en filigrane il nous prévient de ne pas juger trop attivement... Comprendre, vouloir comprendre comme Pierre Morvan, pourquoi il n’a pas réagi ? Pourquoi cette peur ? Pourquoi cette lâcheté ? Il découvre une partie obscure de son âme qu’il ne soupçonnait pas jusqu’à présent. C’est brillamment mis en scène et brillamment dirigé. Pour moi, le meilleur film de Lucas Belvaux.