Déjà, le titre. Suddenly Last Summer en anglais, traduction littérale en français. Un titre que j'aime beaucoup parce qu'il promet implicitement un procédé cher à Mankiewicz : le flash-back. Soudain L'Eté dernier c'est un retour en arrière, le passage d'un état présent ( si tant est qu'il existe un présent au cinéma ) à un état passé, le souvenir. Sauf que le film maintient longtemps un suspense, en choisissant justement de ne pas recourir à la figure du flash-back et en lui préférant le récit des personnages, la simple passerelle orale. Ca maintient une certaine tension dans la mesure où, communément, le spectateur n'émet aucun doute sur la véracité de ce qu'il voit. Il est plus enclin à croire le régime des images que les personnages qui eux peuvent mentir. Par ailleurs ce choix de mise en scène renforce le mystère, et une certaine mythologie qui entoure les événements dont il est question, et en particulier la figure quasiment absente à l'écran du fils disparu.
Il y a dans Soudain L'Eté Dernier une importance pour le mystère, le non-dit, le secret. Le spectateur s'interroge constamment sur les motivations des personnages, leur but réel, sur les relations qui les unissent les uns aux autres. Le jeu nuancé des acteurs, et en particulier des deux principaux rôles qui se prêtent à la construction d'un certain mystère, soit ceux d'Hepburn et de Taylor, participe énormément de l'ambiguïté générale. Les deux actrices savent parfaitement distiller le doute, donnant l'air de se dévoiler totalement tout en conservant une part secrète en elles qui semble inaccessible au spectateur.
La mise en scène est très maîtrisée et fluide, évitant la théâtralité qu'on peut reprocher à d'autres adaptations d'oeuvres de Tennessee Williams ( qui est au scénario, je pense à un Tramway Nommé Désir ). Mankiewicz parvient à éviter l'écueil du théâtre filmé en donnant sans cesse de la mobilité à sa caméra, en organisant de discrètes chorégraphies des personnages qui pourtant passent énormément de temps à se parler. La séquence de flash-back finale arrive comme une sorte de libération, et le jeu de plus en plus passionné de Taylor, se libérant elle-même d'un souvenir traumatisant, ne fait que donner plus d'impact à sa nature cathartique.
L'intelligence de Mankiewicz se situe ici dans le respect qu'il accorde au personnage " fou " de Taylor.
S'il est une chose que l'on peut reprocher au film, c'est son bavardage quelque peu excessif. C'est un peu le revers qu'il subit, en ayant choisi d'accorder une importance particulière à la parole. Mais ça reste une faute relative, un peu le prix à payer au profit de l'efficacité du récit.
Très bon cinéma, vraiment recommandable.