Il y’a quelques mois, quelqu’un m’a conseillé Amour, en me disant : "Mec, tu va pleurer par contre" J’ai bien essayé de lui dire que seul "Le Tombeau des Lucioles", film animé japonais de Takahata, m’avais fait versé une larme. Mais rien n’y fit ! Je devais absolument fondre devant ce couple d’octogénaires flingué par la chute inéluctable d’Anne, interprétée par la sublime Emmanuelle Riva.
Et bien je n’ai pas pleuré, mais ce n’est pas pour ça que je n’ai pas aimé, je suis plutôt resté bouche bée, comme dirait l’adage populaire mais dépassé. Cette ode à l’amour éternel est merveilleusement conté par Haneke. A force de ne pas pleurer, je pense que je commence à devenir absolument insensible. C’est la merde.
La merde, c’est un petit peu ce qui arrive à notre cher couple d’anciens profs de musique qui se retrouve confronté à l’hémiplégie et à la maladie dégénérative –Merci Wikipedia– d’Anne. Vous me direz qu’Anne pourrait aller finir ses jours à l’hôpital, mais c’est là ou intervient un p’tit problème : en plus de se réduire progressivement à l’état de légume, Anne est phobique des médecins et a fait promettre à Georges, son mari, interprété par le génial Jean-Louis Trintignant, de ne jamais la ramener dans un hôpital. Georges tiens donc promesse, et assiste à la maladie de sa femme à domicile.
Jusque là, c’est à peu près ce qu’on nous dit dans le synopsis à l’arrière du DVD, donc pas de spoiler. En voyant ça, je me suis dis : "OK génial, un film pathos, manquerai plus qu’il y’en ai un dans la flotte et l’autre sur une porte au milieu de l’océan, et on pleure comme pour Titanic." Mais c’est là que Mich’ a fait un boulot fantastique. Il ne tombe JAMAIS (Ô grand jamais) dans le pathos. Pas de pleurs, pas de "Pourquoi ça arrive qu’à nous ?", pas de phrase bateau. Juste un couple qui s’aime. Anne ne veut pas qu’on s’apitoie sur son sort. Georges, quand à lui, aide sa tendre épouse sans jamais pleurer, regretter, ou abandonner. Pourtant il y aurait de quoi.
Car ce que nous propose le plus français des réalisateurs autrichiens, c’est plutôt cruel pour les vieux. Michael Haneke n’hésite pas du tout à montrer toutes les phases qui sépare Anne de la chute. De la légère absence à la paralysie du coté droit en passant par l’incontinence à l’aphasie, tout y est, même le test du fauteuil roulant électrique (OUI, ça m’a marqué, et alors ?) Il y décrit un quotidien rongé par la maladie et la vieillesse, bref, j’ai pas franchement envie d’être vieux après avoir vu ça. Mais il donne des signes encourageant aussi. L’amour de ce couple est si grande que l’entraide amoureuse semble plus fort que tout. Jusqu’à la fin du film, chaque acte sera fait avec amour pour l’autre. Et ça, crois moi, il n’y a pas de contestation possible.
Mais ce qui m’a impressionné, c’est le tact et la pudeur que l’on trouve dans ce film. On est clairement spectateur du drame qui se déroule, mais rien n’est exagéré. On rentre dans l’intimité de ce couple typé "à la vie, à la mort". Personne ne semble autorisé à rentré dans la chambre d’Anne, mis à part Georges et le spectateur, question, encore une fois, de pudeur. On respecte le choix des octogénaires de ne pas vouloir montrer à tout le monde leur détresse via le corps d’Anne qui se détériore à vitesse grand V. D’ailleurs, je me rappelle avoir haïs la coiffeuse d’Anne qui lui montrait un miroir en lui disant "Tu as vu, tu es belle" alors que celle ci était paralysée dans son propre lit, le visage fatigué, presque défiguré par la maladie. Oui, j’ai eu envie de frapper cette grognasse, car l’hypocrisie manifeste, camouflée dans une fausse volonté de vouloir lui remonter le moral, m’est sortie par les trous de nez.
Car finalement, tout dans ce film est montré avec la plus grande honnêteté possible, du début à la fin. Tout est simple, et cette situation pourrait arriver à n’importe quel membre de notre famille.
Ce film n’est clairement pas une ode à la vie, mais une ode à l’amour comme on n’en a rarement vu. Et lorsque le générique défile, sans aucune musique, je peux vous assurer que dans la tête du spectateur, un "Wouah" résonne. Et ce "Wouah", je veux le réentendre !
Artistiquement votre, Yohann.
Mes autres critiques ici :