Le cinéma aime habituellement les grands destins, ceux de héros qui partent de rien pour arriver au bout de leurs rêves. Cédric Kahn raconte un peu la même histoire, mais d’une manière beaucoup plus réaliste. Yann et Nadia sont deux jeunes lamba, qui ne roulent pas sur l’or mais qui arrivent quand même à joindre les deux bouts. Leur rêve ? Ouvrir leur propre restaurant. Mais malgré leur niaque, la tâche s’avère bien plus compliquée que prévue dans un monde où le moindre petit faux pas peut vite mener à la dérive.
Cédric Kahn dresse le portrait d’une société actuelle où personne n’est à l’abri de se retrouver un jour surendetté et à la rue. Si le tableau est effectivement très noir, le scénario n’évitant aucune épreuve aux personnages, le film ne sombre pourtant jamais dans la surenchère tragique ou le pathos. Car Cédric Kahn a très judicieusement tout misé sur un trio de personnages auxquels le spectateur ne peut que s’attacher. Plus précisément c’est le duo formé par ce beau-père et cet enfant, laissés seuls par une mère obligée de partir à l’étranger, qui va irradier le film. Ils ne vont cesser de se porter l’un et l’autre, le premier en ne renonçant jamais pour les sortir de la mouise, le deuxième par son regard d’enfant sur le monde, un regard candide qui capte la moindre petite bulle de bonheur au milieu de la noirceur. La caméra de Cédric Kahn épouse aussi ce regard, et arrive à saisir des instants magiques au milieu d’un climat le plus souvent dur et sous tension. Et à la sortie de la séance, ce sont bel et bien ces instants de lumière qui restent dans la tête du spectateur, plutôt que l’obscurité d’une société à la dérive.
Pour mettre autant en avant ses personnages, Cédric Kahn est obligé de faire de même avec ses comédiens, qui lui dictent en quelque sorte comment bouger sa caméra. Ainsi tout repose sur les épaules des acteurs, et surtout sur celles de Guillaume Canet, qui trouve ici l’un de ses plus beaux rôles. A la fois fort et fragile, il interprète un Yann poignant auquel il se donne corps et âme, à l’image du personnage, prêt à tout donner pour atteindre une once de bonheur. Face à lui, le jeune Slimane Khettabi, que Cédric Kahn a dirigé sans lui laisser lire le scénario, offre ainsi une interprétation très naïve, celle d’un enfant qui ne comprend pas toujours la gravité de la situation, mais qui porte toujours une étincelle dans les yeux. Les scènes entre Guillaume Canet et Slimane Khettabi possèdent ainsi une spontanéité qui donne un côté très réaliste et très communicatif à l’action. Leïla Bekhti, bien que finalement peu présente à l’écran, convainc sans souci autant par son sourire que par ses larmes.
Cédric Kahn réussit une très bonne chronique sociale, justement parce qu’il ne met pas le social en avant, mais bien la force et la volonté d’un trio de personnages des plus attachants, et dont on aime voir transpirer les quelques instants de bonheur à l’écran. Premier coup de cœur de 2012…
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