Une vie meilleure est un film bancal aux multiples bifurcations qui sèment le doute sur les réelles intentions de son auteur. L’installation des personnages et de la situation, qui procède par séquences brèves et elliptiques, laisse d’abord penser que c’est la dimension sociale sous fond de crise économique, de précarité et de rapacité des banquiers et des ‘vautours’ qui guettent tapis dans l’ombre la chute annoncée du naïf entrepreneur qui intéresse le réalisateur de L’Ennui. Mais le départ de Nadia outre-Atlantique, s’il imprime un ralentissement dans le rythme et opte pour un traitement tournant le dos à l’ellipse et à la suggestion, déporte aussi le film vers la relation Yann-Slimane, le premier père et éducateur de substitution pour le second, perturbé par la fuite de sa mère. Ensuite, les problèmes matériels de Yann reviennent par la fenêtre avec l’entrée en jeu d’un marchand de sommeil conduisant dès lors le film vers l’action, presque le thriller, avec ses poursuites, ses magouilles et l’évasion vers Montréal, pour aboutir à une dernière demi-heure franchement sentimentale et étirée, qui abandonne du coup la thématique originelle.
Au final, difficile de démêler l’écheveau et de faire le partage dans ce film patchwork qui, pour le dire de manière plus crue, donne l’impression de bouffer à tous les râteliers en déployant la panoplie de tous les avatars possibles d’une affaire mal engagée dès le début. Une telle naïveté pour sympathique et attachante qu’elle soit ne peut cependant pas cautionner un comportement enfantin et irréfléchi et, du coup, place le spectateur dans une situation inconfortable quand Yann admoneste le jeune garçon pour un vol de chaussures de sport, alors que lui-même auparavant n’a guère eu de scrupules à truander les travaux de rénovation de sa future affaire.
La vision enjolivée et parcellaire de la précarité et des dommages provoqués par la crise sur une population fragile, ne possédant pas à l’évidence les moyens de mener à bien un projet hors de portée, donne ici naissance à une œuvre gentillette, à la sentimentalité croissante, mais qui à force d’emprunter de nouvelles pistes, n’autorise pas l’approfondissement et, par conséquent, la pleine adhésion du spectateur.