Bon film de Christophe Honoré, dont l'objet est l'amour, évidemment, mais aussi le temps qui passe et qui détruit tout (tempus edax rerum, en VO). Madeleine (Ludivine Sagnier, vraiment moyenne, et Catherine Deneuve, simplement moyenne au début puis meilleure sur la fin) puis sa fille Véra (une gamine nulle, puis Chiara Mastroianni, lumineuse, sibylline et vraiment belle) font l'épreuve d'aimer, successivement à Paris dans les sixties, puis à Prague dans les seventies, puis à Londres dans les années 90, puis à Paris dans les années 2000, et enfin à New York. Des fractures temporelles, des fractures spatiales, des fractures de coeurs...
Que dire sur le fond ? Pas grand-chose à part peut-être premièrement une sorte de mini-fatalisme consistant à penser que quand ça veut pas, ça veut pas (pour Véra) : en relation libre avec Clément (plutôt très bon Louis Garrel), un collègue qu'il l'aime mais qu'elle n'aime pas, elle rêve d'un américain gay comme de l'homme de sa vie ! ... Le ridicule de la situation, cocasse au début, tragique à la fin, ne fait qu'amplifier l'idée d'une mini-fatalité du malheur amoureux (comme un éclat de désespoir)... Et deuxièmement une sorte de hasard licencieux, profus et débordant de l'amour, qui ne demeure jamais enfermé dans une forme culturelle ou institutionnelle figée : ici en exemple, la relation discontinue et circulaire (ou plutôt : en vrille) de Madeleine avec Jaromil (Rasha Bukvic, moyen, puis Milos Forman, bien plus enthousiasmant). A la limite, le socle du premièrement serait : l'homme (je dis "homme", mais pas vraiment sous la contrainte d'un hétérocentrisme implacable ; plutôt par facilité discursive, étant donné que les deux actrices principales sont précisément des actrices ; à la limite, il faudrait dire davantage : "relation amoureuse") idéal n'existe pas, mais s'échappe toujours ou glisse derrière un coup de foudre impossible - et le socle du deuxièmement serait : l'homme idéal existe, mais certainement pas dans le cadre d'une relation conjugale sclérosée.
Les bien-aimés est un film chanté, mais chanté j'oserais presque dire "à la française", avec des choses fausses ou "limites" conservées, bref des choses qui peuvent vraiment rebuter (et je ne parle même pas de certains textes niais au début...). Mais il faut bien admettre que passé un certain seuil du "c'est pas extra-daubique ce truc ?", et immiscé un minimum dans le monde fermé et aérien d'Honoré, son "univers" si l'on voulait parler comme les jurés de la Starac', j'ai apprécié, et même plutôt bien. Quelque chose passe - malgré des fautes de goût patentes - de la vie, des sentiments, de l'amour, que sais-je, de tout ce qu'on voudra. Je n'ai pas pleuré (il faut coûte que coûte oublier l'image de pleureuse laissée après ma critique de La guerre est déclarée) - et sûrement pas au faîte "dramatique" du film, que j'ai trouvé mauvais -, mais j'ai eu la gorge nouée, au spectacle de quelques rares mais brillants "monologues musicaux". Un peu triste et un peu gai, léger et plombant, Les bien-aimés demeure un beau film, magnifié par de brefs éclairs dans lesquels Honoré nous fait sentir quelque chose qui n'est ni violent, ni épique, ni dramatique, mais simplement "juste", et un peu poétique... 14/20.
Toutes les critiques sur le Tching's Ciné bien sûr :
http://tchingscine.over-blog.com/