C'est toujours con à dire mais rares sont les guerres fratricides et sanglantes dans la réalité qui auront accouché d'autant de bons films au cinéma : depuis "Le Mouchard" de John Ford jusqu'à "Hunger" en passant par "Bloody Sunday" et, bien sûr, "Au Nom du Père", le conflit irlandais nous a quand même donné à voir pas mal de chefs-d'œuvre sur pellicule. "Shadow Dancer" s'inscrit dans cette lignée prestigieuse, un bon ton en dessous, quand même. Si la réalisation n'a rien de très excitant et si on a souvent l'impression d'être devant un téléfilm (attention, un téléfilm de qualité, hein, plutôt BBC que TF1, quoi...), on a quand même droit à une jolie entrée en matière et une bonne petite leçon de narration sans dialogues : en 2/3 gros plans bien sentis, on sait que le personnage qu'on suit est une terroriste qui s'apprête à poser une bombe dans le métro londonien et on comprend qu'elle n'est ni très convaincue ni très enthousiaste à cette idée. Limpide. Le b.a.-ba du langage cinématographique, certes, mais quand c'est bien fait, on applaudit. A côté de ça, l'intrigue est plutôt bien foutue et le scénario brasse des thèmes très intéressants : l'engagement, la trahison, la vengeance, la manipulation... à peu près tous les aspects de la guerre civile sont abordés dans le cadre finalement assez métaphorique de la famille. Cette richesse thématique fait la force du film mais aussi sa faiblesse puisque, du fait même de cette densité, tous ces thèmes ne vont pas toujours au bout de leur développement. Reste qu'avec sa réalisation sans chichis et son scénario touffu, James Marsh pose une ambiance sombre, pesante et tendue qui donne à "Shadow Dancer" pas mal de cachet et, finalement, de personnalité. Et puis, ce qui ne gâte rien, l'interprétation est largement à la hauteur, la jolie Andrea Riseborough en tête. Avec pas mal de substance et avec une fin sans concession, aussi dure et âpre que son sujet principal, "Shadow Dancer" est un film qui tient bien toutes ses promesses même s'il faut reconnaître qu'il va rarement au-delà.