Richard Kuklinski, alias « Ice Man », tueur à gages pour la mafia italo-américaine, qui avoua avoir assassiné 100 personnes durant sa longue carrière de 30 ans. Voilà le sujet de The Iceman, film retraçant donc le parcours de l’un des meurtriers les plus connus des Etats-Unis. Thématique dont le cinéma reste friand. Il n’est donc pas étonnant de voir naître ici un biopic sur ce qui semble être sur le papier un véritable monstre (rien que son surnom « Ice Man » en dit long). Un inconnu à la réalisation, un casting 5 étoiles à l’affiche (j’y reviendrai plus tard)… Projet alléchant qui tient ses promesses ?
Et franchement, The Iceman perturbe quelque part. D’une part parce qu’il s’agit d’une histoire vraie et que l’on peut facilement rester figer devant le nombre de victimes faites par Kuklinski. De la manière glaciale et inexpressive avec laquelle ce dernier s’exécute. La vie familiale qu’il a vécu tout en cachant son statut de meurtrier réputé chez les mafieux. Un final plutôt banal où personne ne paye vraiment pour le mal qu’on lui a fait. Perturbant à quel point le film met ce tueur sur un piédestal. Faisant tout son possible pour que Kuklinski passe pour un héros, un martyr. Un homme au bon sens qui ne tue ni femme ni enfant. Qui ne pense qu’au bien-être de sa famille (c’est d’ailleurs pour ça qu’il veut continuer à tuer, pour gagner de l’argent). Sur le papier, difficile de s’attacher à un tel homme et pourtant, le but du film est de nous rapprocher de lui, comme s’il s’agissait de n’importe qu’elle personne, n’importe qu’elle célébrité qui mérite son biopic. Et quelque part, c’est frustrant d’assister à ça, tant Kuklinski reste à nos yeux un meurtrier. Mais dans un autre sens, ce traitement apporte beaucoup aux personnages. Lui, ses proches et ses connaissances (dont le chef mafieux). Scénario frustrant mais travaillé comme il se doit, ne commençant pas la narration dès l’enfance du tueur mais plutôt à ses débuts dans la mafia. Son enfance et ses liens de parentés ne seront que vite fait cités ou bien montrés lors de flashes-back (en réalité, je ne m’en rappelle que d’un seul) furtifs. Comme si les scénaristes voulaient éviter de donner une raison à ses gestes. Que l’assassinat reste un métier, rien de plus ! Frustrant mais qu’importe : on s’attache aux personnages, l’histoire se suit sans déplaisir ! Même si la gêne d’assister en tant que voyeur à des scènes de meurtres est là.
Il faut dire aussi que l’attachement (ou le dégoût, cela dépend) que l’on éprouve pour chaque personnage est dû à l’interprétation de chaque acteur. Et de ce côté, on peut dire que la distribution de The Iceman fait très fort ! Rien que Michael Shannon dans le rôle titre, qui n’a besoin que de son regard pour faire ressortir tout le côté glacial de son rôle, toute sa nervosité pour les crises de colère. Bref, l’acteur parfait pour ce rôle ! Et puis, Winona Ryder, qui nous revient enfin ! L’une des muses de Tim Burton retrouve toute sa fraîcheur, son regard malicieux et pétillant, et surtout nous montre qu’elle est une bonne actrice (comme elle avait pu nous le prouver dans son petit rôle dans Black Swan). Liotta, ah Ray Liotta ! Tout comme Shannon, l’ex-Affranchi n’a pas besoin de jouer, juste son regard est suffisant pour rendre n’importe lequel de ses personnages dangereux et inquiétants ! Et enfin, venons aux deux surprises du casting. Premièrement Chris Evans, plus connu pour son rôle de Captain America, qui se retrouve ici littéralement métamorphosé par son maquillage (barbe, cheveux longs, crade, lunettes de soleil) et son jeu d’acteur qui en étonnera plus d’un ! Le second, David Schwimmer (le fameux Ross Geller de la série Friends), tout simplement méconnaissable ! Sans oublier une petite apparition de James Franco (déjà vu cette année dans Spring Breakers et Le Monde Fantastique d’Oz).
Cependant, il est vraiment dommage de constater que la mise en scène n’arrive pas à suivre. Elle n’est pas horrible, loin de là ! Mais plutôt banale. Plan-plan. Comme si The Iceman n’était qu’une histoire de reconstitution (pour les décors, les accessoires, les véhicules, l’ambiance des 70’s). Sans que la musique n’apporte quoique ce soit au récit. Comme pour Effets Secondaires de Steven Soderbergh (bien que le sujet et le genre se diffèrent amplement), une question vient aussitôt à l’esprit une fois le film fini : qu’aurait-il donné entre les mains de David Fincher (Se7en, Fight Club, Millénium – Les hommes qui n’aimaient pas les femmes). Il aurait sans l’ombre d’un doute réussi à instaurer une ambiance des plus gênantes, des plus prenantes. En tout cas ce petit plus qui aurait permis à The Iceman d’être un biopic/thriller de sortir du lot !
Et à cause de cela, le film s’oublie un peu trop facilement une fois regardé. En même temps, faire devenir un tueur une icône d’une histoire, d’un film, c’est plutôt osé (Rob Zombie avait été très loin avec son The Devil’s Rejects) et le résultat peut perturber. Un défaut qui vient quelque peu entacher un film au scénario rudement bien travaillé et interprété à la perfection. Quoiqu’il en soit, The Iceman permet à son réalisateur, Ariel Vromen, de se faire remarquer. Et pour une nouvelle tête, c’est plutôt une bonne chose !