The Man From Nowhere, deuxième film signé par Lee Jeong-Beom après l'introuvable Cruel Winter Blues, n'est certes pas un thriller qui révolutionnera l'approche sud-coréenne du genre. On y retrouve en effet l'empreinte photographique habituelle, qui commence malheureusement à ressembler à une simple entrée d'un cahier des charges, mais appuie quand même toujours aussi bien les errements violents du récit. La violence, voilà bien un autre paramètre constant du genre que The Man From Nowhere respecte. Purgatoire dans I Saw the Devil, d'un baroque halluciné dans Old Boy, salement glauque dans les films de Na Hong-Jin, la violence du film noir coréen sert toujours à fond de propulseur à l'intensité des images, de catalyseur émotionnel. On pourrait, comme ça, continuer de lister ce qui fait de nouveau venu une oeuvre très cadrée par les canons de son courant, entre la teneur vengeresse qui jaillit une nouvelle fois de son intrigue et la fibre toujours très appuyée de ses personnages. Le respect de codes n'est pas un mal, même s'il peut amener à une certaine prévisibilité dont souffre il est vrai quelque peu ce film de Lee Jeong-Beom. Mais heureusement, The Man From Nowhere finit par se démarquer d'une manière inattendue ; privilégiant le développement ses personnages (bien campés, pour l'écrasante majorité) dans un appareil plus simple qu'à l'ordinaire, sans en faire les véhicules d'un propos qui dépasse le simple cadre de leur histoire mais avec une simplicité optimale pour se rapprocher d'eux en tant que miroirs humains. On a certes toujours la sensation de regarder une histoire fictive, mais le court-circuit de toute voie narrative annexe et alambiquée permet un accès direct à l'émotion, qui a finit par me saisir alors même que le scénario est très attendu. Attendu non seulement parce que pas spécialement subversif dans ses grandes lignes comme dans sa manière de les amener, mais surtout parce que son ouverture le pose quasiment en reprise du Léon de l'ami Luc Besson. Un remake non officiel mais pourtant pas inavoué, Lee Jeong-Beom se référant brièvement mais clairement au classique français le temps de quelques plans sur une brique de lait ou une plante verte qu'on arrose. En parallèle, la mise en scène du jeune réalisateur est solide de bout en bout, sans trop de fulgurances mais surtout sans erreur de calcul ni faute de goût gênante. Paquet bien emballé, The Man From Nowhere n'a rien qui le rende indispensable, mais demeure une entreprise solide, divertissante et savamment orchestrée. Ce n'est en tout cas pas lui qui signera l'essoufflement du thriller d'action coréen, genre toujours aussi imprégnant même après qu'on aie vu I Saw The Devil le questionner le temps d'une approche réflexive.