The Last Son, la malédiction : les secrets du tournage

Grâce à ses études de beaux-arts et à une graduation à la prestigieuse école de cinéma IDHEC, Agnès Merlet est souvent associée au label "cinéma d'auteur", même si elle avoue préférer les films expérimentaux et fantastiques à la "tradition française". Ses références viennent surtout de Jean Cocteau, Man Ray, Luis Buñuel et Maya Deren.

Avant de s'engager sur Hideaways, Agnès Merlet avait un projet sur la violence entre adolescents, intitulé L'Imbécile, pour lequel elle cherchait un financement. Ce fut en vain : le scénario a été jugé "trop anglo-saxon", et le film n'a jamais abouti. Cette expérience frustrante a donné à la réalisatrice l'idée de se lancer dans des films de genres, tournés en anglais, de façon à rendre la production plus viable.

Hideaways est la première réalisation d'Agnès Merlet dont l'initiative est issue d'un autre auteur. Pourtant, le scénario écrit par Nick Murphy touchait à des questions très chères à la cinéaste, comme le passage à l'âge adulte, la vie dans la campagne et surtout la maladie de la jeune protagoniste - Merlet rappelle qu'elle a perdu son frère au même âge, de la même cause.

Le scénario de Nick Murphy avait l'intention de plonger le spectateur dans un fantastique classique et littéraire, confondant le personnage et la nature et confrontant nécessairement l'amour à la mort. Comme l'explique Agnès Merlet, "à la manière des romans gothiques de la littérature anglaise du XIXème siècle, l’histoire mêle romantisme et fantastique, amour et mort. Mais ici la mort ne signifie pas uniquement la fin de la vie, elle permet la renaissance, exactement comme le cycle de la nature évoqué dans les dernières scènes."

Hideaways évoque le mythe de Frankenstein, s'appropriant l'idée de l'être doté d'une nature bienveillante, mais dangereux pour ceux qui l'entourent et donc éloigné de la société. La réalisatrice Agnès Merlet voulait pourtant que le fantastique soit physique et sexué, d'où le rapport de désir instauré entre les deux personnages principaux, interprétés par Rachel Hurd-Wood et Harry Treadaway.

Pour représenter la malédiction dont souffre le protagoniste, il n'était pas question pour la réalisatrice d'avoir recours aux sous-entendus - elle tenait à ce que chaque étape de la maladie soit visible et réaliste, "quitte à rendre le film très violent". Pour les effets visuels, Agnès Merlet a eu recours à la compagnie suédoise Filmgate, responsable des effets spéciaux d'Antichrist et Melancholia, deux films signés Lars von Trier.

Le directeur de la photographie Tim Fleming s'est chargé de conférer une apparence fantastique à la nature de Hideaways, ce qui a impliqué l'utilisation de lumières artificielles, afin d'arriver à une sorte de "crépuscule permanent". L'inspiration est venue du photographe Gregory Crewdson, dont les images transitent constamment entre le naturel et le magique.

Le choix de la forêt morte représentait un casse-tête pour la production de Hideaways, qui hésitait entre attendre l'hiver, quand de vraies forêts mortes seraient à disposition, ou en construire une en studio. L'équipe a fini par trouver une forêt privée en Irlande, dont le propriétaire a donné l'autorisation pour creuser la terre et exposer la racine des arbres. Les directeurs artistiques ont ensuite effeuillé les racines et les ont peintes en noir, s'inspirant des forêts de Sleepy Hollow, la légende du cavalier sans tête de Tim Burton.

Pour le travail avec les acteurs, Agnès Merlet a eu recours à de longues séances de casting. Alors que la plupart des acteurs qui se sont présentés conféraient à Harry une apparence beaucoup trop innocente, les actrices essayant le rôle de Mae étaient trop belles ou trop féminines. La réalisatrice a fini par choisir Harry Treadaway, un acteur avec peu d'expérience mais totalement "habité par le personnage", et Rachel Hurd-Wood, a qui Merlet a demandé de se faire couper les cheveux et de porter une chemise qui lui cachait ses formes féminines.