Très étrange et néanmoins superbe expérience. Arrivé au cinéma par hasard, et longtemps après la sortie, je pénètre dans la salle sans savoir de quoi il s'agit, juste après le début. Je découvre sur l'écran un oeil en gros plan et une musique de violon originale (je crois me rappeler qu'elle arrive tout de suite). Cette musique sera présente souvent et très adéquatement placée. Elle est très réussie dans sa tentative d'accompagner l'intrigue mais d'être à elle toute seule une par d'intrigue...
Alors que je commence à m'inquiéter au bout de 15 minutes (je n'avais rien lu au sujet du film, ni même son pitch), un spectateur quitte la salle. Je pense au bout de 15 minutes. Le second partira aux alentours de la demi-heure.
La question qu'il faut poser : qu'est-ce qu'ils ont vu jusque là ?
Des séquences assez longues, assez répétitives, montrant l'héroïne dans sa quête (que je ne dévoile pas) et dans la réalisation de certaines tâches qui en elles-même sont étonnantes, surnaturelles ou lugubres, ou les deux à la fois, avec une évasion toujours possible vers l'onirique, dans une atmosphère de conte mystique, de thriller métaphysique et même dans une petite touche essentielle de film social (de loin en loin, mais terriblement efficace pour le décalage). Bien sûr on sait qu'on est dans de la science-fiction, mais des séquences en milieu urbain offrent un miroir fascinant de notre quotidien puisque vu par un étranger absolu.
C'est ça le thème, l'étranger absolu. C'est à dire très semblable (under the skin... le titre indique le malaise) et en même temps complètement dissemblable.
Pour cette première partie que les spectateurs ont décidé de ne pas prolonger, l'intérêt est justement dans cette introduction, j'allais dire "litanie des saints"... qui n'est pas déplaisante au demeurant si on accepte de casser ses attentes. Le fait de ne pas comprendre peut devenir une obsession, et chez moi ça a pris.
J'avoue que quand les spectateurs ont quitté la salle, j'avais déjà pris mon parti de rester, et je commençais à goutter au délice... Le poison faisait largement effet, même si et c'est là un phénomène intéressant, le corps s'ennuyait ferme... vous la connaissez cette sensation où on hésite à s'insurger tout en comprenant qu'on ferait mieux de ne pas le faire... là s'opère un premier "tri" parmi les spectateurs.
Après, il n'y a pas grand chose qui change, et pourtant tout change. Des scènes marquantes viennent ça et là impressionner la rétine et tout ce qu'il y a derrière. Des séquences fantastiques (je pense au bébé, pour ceux qui l'ont vu et viendraient lire quelques impressions ici) qui sont, quoi qu'en disent certains, la marque d'un esprit visionnaire. L'intensité croît et, par la richesse des images et des concepts, fait largement oublier qu'on n'a plus aucun repère stable (normalement c'est là que certaines personnes s'accrochent au fauteuil et d'autres le quittent). Le "message" se profile, de plus en plus mystérieux, mais de plus en plus indispensable, amené par des scènes de plus en plus nerveuses dans l'intention du réalisateur : beaucoup de choses nous sont montré de l'inavouable condition qui est la nôtre. Le problème est finalement dévoilé dans une scène épique... et que j'ai trouvé d'une beauté magistrale.
Ce que je retiens :
Le symbolisme touchant tout au long du périple de cette tueuse qui ne sait pas comment se comporter, qui cherche et nous fait chercher. Quoi ? On ne sait pas on vous dit ! une histoire ? il y en a une, on est dedans... Finalement... quiconque a pleuré une fois pour une broutille de la vie mais de bon coeur, aura le sentiment assez bien souple pour s'émouvoir des questions que posent le film.