Avec Mélanie Laurent, on ne sait jamais de quel pied danser. Le mythe de la jeune fille riche à qui tout réussi (ou presque) a fait plus d'un envieux et la jalousie haineuse ou l'amère aversion a aveuglé les plus sensibles pour ne voir qu'une prétentieuse pervertit par la gloire et la notoriété. On oublie trop souvent de détacher l'oeuvre de l'artiste, bien que l'oeuvre fait l'artiste, l'artiste n'est pas l'oeuvre en soi. On peut apprécier l'oeuvre d'Hitchcock pour son avant-garde certain et sa mise en scène (qui ont manqué plus d'un prix je le regrette) et ne pas adhérer à l'homme prétentieux qui traite ses acteurs comme du bétail... Cette légère digression pour clamer mon sympathie et mon respect pour la sensibilité de Mélanie Laurent. Que ce soit à travers les paroles poétiques de ses chansons dans lesquelles je me retrouve 5 plus jeune ou ses interprétations sincères qui m'ont soutiré une larme ou un sourire... Il me faut donc savoir de quoi elle est capable derrière la caméra (ah malheureusement elle y est aussi devant, j'efface mes a priori).
Tout commence par un ralenti à la Dolan, des travelling suivi pas très originales... En dépit d'être remarquable, c'est joli. Pas assez pour remporter mon adhésion. Progressivement on s'attache aux personnage dont on raconte une histoire, une partie de film. La scène où elle rencontre Alex à la librairie est filmé de la manière la moins adéquat, en serré oblique sur leurs visages émus. Le romantisme pudique qui s'en dégage me fait sourire et je m'attend encore au pire. Aie cela semble mal parti. Le montage fait suivre de plus en plus de plans "ambitieux" mais manque de cohérence, de lien sensible qui fait que la pâte prend forme. Nouvelle fausse trouvaille: "les voix hors champ" qui déconstruit le récit, mais le remet en place avec le montage. Belle réussite. On entend les personnages comme si nous nous trouvions au creux de leur conscience pour mieux nous en extraire et participer à ce qui les agite. La scène du bain est éloquente à ce sujet. Les angles de prise de vue et la lumière finissent par m'éblouir. J'adhère de nouveau à la poésie. Mais je regrette que les acteurs ne puissent en faire de même. Clémentine Célarié m'émeut et me tire une larme de son propre jeu alors qu'il me faut la force du montage et du scénario pour être touché par Denis Ménochet. C'est peut être pour cette raison que Mélanie ne s'attarde pas autant sur son personnage que sur celles des deux soeurs? L'introspection est délaissée au profit du cadre qui vogue ici et là, entre l’hôpital aux résonances ecclésiastiques, les appartements parisiens bon chic bon genre et la librairie rustique, mais tellement charmante
(parfaite mise en scène dans la deuxième parti, Marine n'est plus là, la caméra s'éloigne et filme de l'extérieur)
Seule perfection pour le personnage d'Alex,
la scène de voiture à la station service où il retrouve sa bien-aimée sur un fond de neige timide, espoir ou pénible désillusion?
Progressivement on adhère à ce qui nous est raconté, on se fond avec cette famille et cette douleur. J'émet une réserve et l'hypothèse que le sujet nous touche à différent niveau, la perte d'un être cher me hante et le lien amical plus solide que l'amour éphémère résonne en moi comme les échos suraigus éparses qui ponctuent le récit psychologique du film.
Mélanie Laurent nous confie un secret que j'espère nombreux seront prêt à entendre. A défaut de jouer merveilleusement bien, elle raconte une histoire et nous sommes le petit Léo admiratif de tout
parlant à l'ombre de Marine déjà décédée
La mort est ici le noir de fin. La naissance, cette petite voix à l'intérieur qui nous fait aimer ou pas le film. En un mot, la vie est retranscrit avec autant d'artifices cinématographiques qu'il n'en faut pour pouvoir, simple spectateur mortel, en jouir dans la réalité. Mélanie, si tu ne peux modeler ton jeu (avoue que tu joues toujours de la même manière, heureusement que tes rôles sont une parti de toi!!!) reste donc derrière la caméra. N'oublions pas qu'une oeuvre est issu d'un collectif, le générique sait très bien nous le rappeler et ils étaient 3 à l'écriture et même à la "mise en scène". Au final concernant le film? J'ai fini par l'adopté