Le film épouse ainsi pas mal de genres : ode au cinéma, européen et d’auteur au premier chef, enquête, thriller, course-poursuite où se profile une théorie du complot pour le moins farfelue, ébauche de romance entre la documentariste et son cameraman. Peu importe qu’on s’y perde parfois, que le scénario parte souvent de guingois et s’emmêle les crayons. Le charme opère parce qu’il y a dans ce joyeux bazar une inventivité permanente et un amour du cinéma qui jaillit à chaque plan. De Bruxelles à Cannes, de Berlin à Malte en passant par Londres, le film se construit comme un puzzle où il doit probablement manquer quelques pièces, et qui, en tout cas, restera inachevé, laissant au spectateur à la fois déboussolé et conquis, le soin de le peaufiner.
Les vêtements colorés et chatoyants de Maria de Medeiros sont autant de taches de couleur qui irradient l’image et provoquent un contraste saisissant avec le reste traité quasiment en noir et blanc, flirtant avec les codes de la BD – les personnages principaux vus comme des héros enluminés. Le film est souvent drôle comme, par exemple, la scène à la salle des ventes à Paris, ou celles dans les locaux des services secrets londoniens (le M15) et des archives de l’ancienne Stasi à Berlin. En filigrane, demeure bien sûr la rivalité inextinguible entre l’Amérique (culture prédominante imposant au reste de la planète sa vision) et la vieille Europe, berceau de la véritable expression artistique. C’est d’évidence caricatural, le trait est appuyé mais cela ne nuit en rien au plaisir pris à regarder cet objet peu conventionnel, à la fois rigolard, loufoque et extrêmement construit et rigoureux.