« Maman ? - Oui ? - Francis Ford Coppola, tu te souviens ? - C'était pas l'un des chanteurs d'Aerosmith par hasard ? - Non, non... C'était le réalisateur d'Apocalyspe Now et Le Parrain. - Ah oui ! figure toi que j'avais été voir Apocalypse Now avec ton père. Qu'est-ce qui se passe ? Ce Capalola il est mort ? » Voilà en gros les réactions de votre engeance si comme moi : 1 - vous avez entre dix et vingt ans, 2 - vous abordez le sujet avec vos parents, 3 - leur culture cinéma s'arrête en 1985. Sachez surtout que Coppola n'est pas l'auteur que d'Apocalypse Now et la trilogie Le Parrain pour les incultes. D'abord dans l'écurie de Roger Corman (où il réalisera notamment Dementia 13 et L'Hallucine), il scénarisera, réalisera et produira par la suite des films de plus en plus important jusqu'au succès du Parrain en 1972, suivi d'une suite trois ans après. Apocalypse Now en 1979 suivra, mais Coppola réalisera de vagues drames et thriller dans le vent devenus cultes pour quelques uns comme Outsiders ou Rusty James durant les années 1980, ou encore Tucker en 1988. La sortie de la troisième partie du Parrain en 1991 le remet sur les rails de la réussite, puisqu'elle sera suivie de Dracula en 1993 et Jack en 1996. Malheureusement le succès sera de courte durée, et l'homme réalisera jusqu'à aujourd'hui des films au succès moindre, avec par exemple L’idéaliste et L'homme sans âge, qui seront espacés par une pause de presque dix ans du réalisateur. Son dernier film, Tetro est sorti il y a maintenant trois ans. Alors quand j'ai appris - il y a maintenant bien un an - là réalisation et l'écriture de ce Twixt par Mr Coppola, j'ai pas hésité : allez, on s'en fout de ce qu'à fait le bonhomme ces dernières années. En prévision du spectacle totalement unique et différent de tout de ce qu'on a put voir au cinéma depuis des années, je pardonne à Francis les ratages de ces dernières années. Et j'ai bien fait, puisque Twixt, c'est avant tout une réussite. Mais pas pour tout le monde.
Oui car déjà il faut dire que tous ceux n'ayant pas un esprit dérangé ou un minimum de curiosité cinématographique (c'est à dire la majorité des français casualisés actuellement, fans d'Intouchables et de Nouveau Départ - dont je me plais de plus en plus à casser j'ai l'impression...) ne vont pas aimer et vont se demander : « C'est quoi ce film sans scénario avec le Batman de Batman Forever et l'autre pute de Super 8 réalisé par un mec d'Aerosmith ? ». L'ouverture d'esprit ! Ou pas. Puisque Twixt s'apprécie comme un OVNI, incomparable, en marge de tout et défiants les codes les plus endurcis du cinéma américain. Déjà si y a bien un truc qui est juste monstrueusement réussi pour n'importe quelle personne prenant du recul sur le nouveau Coppola, c'est la photographie, et c'est indéniable. Coppola retranscrit tout une atmosphère à travers un jeu des couleurs et des plans grandioses. Des décors superbes, des cadrages excellents, et le tout avec la patte du génie de Dracula qu'on retrouve ici.
Interprétations des acteurs, c'est le même topo : Val Kilmer dans l'un de ses meilleurs rôles depuis longtemps, Bruce Dern excellent, Elle Fanning - peut être un peu effacée et moins bonne que dans Super 8 - qui s'annonce déjà comme l'un des grands espoirs du cinéma américain et un Ben Chaplin très bon aussi. D'excellentes performances pour un scénario globalement très critiqué. Le scénario de Twixt est plus futé que voudraient le prétendre certains : à multiples sens, bien dérangeant et au final très beau et sincère. Car Coppola parle ici de l'impuissance créatrice, et c'est là qu'on trouve la principale influence de Coppola pour Twixt pour son scénario : le Romantisme. Anglais, français aussi. Le jeune qui cite Baudelaire, la présence importante de Poe, et le tout avec cette aspect désespéré, cette marge de la société, ce côté à la fois gothique et romantique, tout est là pour que la comparaison soit faite, tant le film de Coppola tend à se rapprocher des Fleurs du Mal et autre poèmes et écrivains du XIXe siècle. Twixt parle aussi du deuil, avec une puissance rare et bien plus futée que toutes ces productions - Nouveau Départ dernièrement - compatriotes mais terriblement moins originales. Arrivant parfois à réellement faire peur mais en gardant toujours ce charme, Coppola parvient avec Twixt à donner la sensation d'un songe : à la fois cauchemardesque et rêveur, étant au premier abord décousu mais finalement riche en sens, à l'esthétique très belle. Une réflexion très bien foutue pour une véritable claque. Alors ouais, Twixt plaira à une personne sur deux, et les critiques le confirme (y a du Pour et du Contre dans mon magazine), mais moi Coppola m'a réellement transporté, avec un film sincère et réussi, en devenir une référence mais qui reste un OVNI. Unique.