Coppola a commencé, il y a 50 ans, par une série Z horrifique, Dementia 13, tournée pour un budget ridicule sous l'égide de Roger Corman. En 2013, loin des contingences hollywoodiennes, le cinéaste revient à ce type de production bricolée dont on ne sait si elle tient du ridicule ou du sublime. "Le beau est toujours bizarre" écrivait Baudelaire, l'une des influences du réalisateur dans Twixt. Partant de ce principe, le dernier Coppola est donc très beau, enfin il est surtout extrêmement azimuté. Une sorte de mixte entre Twilight, Tim Burton et David Lynch, à la fois artisanal et par moments ultra sophistiqué. C'est déroutant parce que foutraque, et excitant pour la même raison. Le film parle des affres de la création, de la perte de l'innocence et de la douleur du deuil. Après Tetro, le cinéaste poursuit donc sa cruelle autobiographie avec un retour sur la mort accidentelle de son fils dont il ne s'est toujours pas remis. Invité exceptionnel de ce film très spécial : Edgar Allan Poe, très à son aise dans cette ambiance morbide, incarné par un excellent Ben Chaplin. Elle Fanning, diaphane, et Bruce Dern, énorme, complètent une distribution dominée par la masse imposante d'un Val Kilmer, bouffi, susceptible d'avoir abusé du tranxène ou du whisky (disons les deux) tant il est inégal dans son jeu. Twixt ressemble à un premier film d'étudiant en cinéma, avec quelques fulgurances qui rappellent qu'il a signé, entre autres, Le parrain, Apocalypse Now, Conversation secrète et Dracula. Tourner une telle oeuvre à 70 ans passés témoigne d'une jeunesse d'esprit et d'une insouciance étonnantes. De jemenfoutisme, aussi, peut-être. D'un amour total du cinéma, empoigné avec une liberté peu commune, cela, c'est évident.