Dans le personnage de l’écrivain en panne d’inspiration, dévasté par l’alcool et surtout la perte de sa fille et la perspective de voir son couple péricliter (Val Kilmer carrément empâté), difficile de ne pas voir un double, un portrait en creux de l’artiste par lui-même, dont l’existence, et par conséquent l’œuvre, fut marquée par la disparition tragique de son fils en 1986 à l’âge de 22 ans. La famille est de toute manière une thématique récurrente chez le cinéaste avec, par-dessus tout, l’image et la place du père – notion qui traversait la saga des Corleone et plus récemment le vénéneux et sombre Tetro. En écho à son titre, qui signifie ‘entre’ en vieil anglais, Twixt, à la structure multiple et bancale, est bel et bien un film de l’entre-deux, entre jour et nuit, rêve et réalité, horreur et gentille loufoquerie. Coppola ne cherche surtout pas ici à renouveler le genre du film d’horreur ou de vampires, d’ailleurs on n’a pas peur une seule seconde tant nulle part n’apparaît le désir de réalisme. Twixt est aussi une métaphore sur le dérèglement comme l’illustre l’imposant beffroi de la ville au sommet duquel sept horloges n’affichent jamais la même heure. D’un shérif se rêvant auteur de polars à la figure tutélaire et fantomatique d’Edgar Allan Poe, d’une jeune morte diaphane et hantant les souvenirs de tous, tout peut sembler effectivement incongru et absurde dans Twixt.
Celui qui finance dorénavant ses productions, certes à petit budget, grâce à l’argent que lui rapporte l’exploitation de ses vignes californiennes, compare d’ailleurs ses films à des vins, capables de se bonifier dans le temps et d’ainsi susciter des réactions moins vives et moins négatives. Débarrassé des contraintes de financement et des diktats des majors, Francis Ford Coppola prône et fabrique un cinéma artisanal et personnel, expérimental et chercheur. Twixt séduit aussi par ses qualités esthétiques, l’alternance entre couleur et noir et blanc avec des incrustations très colorées (procédé déjà employé dans Rusty James), l’utilisation de la caméra numérique HD, le recours à l’écran divisé, la présence de la femme de l’écrivain à travers un ordinateur et une webcam. En faisant le chemin à l’envers, c’est-à-dire des films magistraux, récoltant les plus prestigieuses récompenses, aux œuvres mineures qu’il aime à qualifier de films d’étudiant, le réalisateur de Conversation secrète se révèle bien plus singulier et attachant que son image de mégalomane le laisse paraître. La figure du vampire, mêlant érotisme et romantisme, étrangeté et douleur secrète, ne pouvait qu’attirer Coppola qui en fait la porte-parole personnelle et déroutante de ses angoisses et de ses échecs.