Bien moins connu que "Frankenstein" ou "La Momie", "Le Récupérateur de cadavres" (qui est, pourtant, une adaptation d’une nouvelle de Stevenson) n’en demeure pas moins un film réussi qui permet, une fois de plus, d’apprécier tout le talent de l’extraordinaire – et tellement sous-estimé – Boris Karloff. Il campe, ici, un personnage détestable de fossoyeur déterrant les morts pour mieux les vendre à un professeur rêvant de faire avancer la science... mais, parvient, une fois de plus, à laisser poindre une part d’humanité derrière le monstre (on sent bien que la frustration face aux "puissants" a changé cette homme). On retrouve, ainsi, les thèmes habituels de ce genre de production (l’immoralité des hommes, la transgression des limites éthiques de la médecine…) et l’ambiance lugubre (la nuit, les cimetières, la mort…) des productions horrifiques Universal. Sauf qu’il s’agit d’une production RKO… et il faut bien admettre que le studio n’a pas la même expérience en la matière qu’Universal. Ainsi, le noir et blanc n’est pas aussi magnifié, l’intrigue aurait pu être bien plus glauque et il manque cette touche iconoclaste qui caractérise les films de monstres des années 30 si chères à Carl Laemmle Jr. Difficile ici de mettre en avant un personnage plus qu’un autre, même le fameux récupérateur de cadavre du titre malgré un look effrayant. C’est, néanmoins, la valeur ajouté de ce film qui prend ses distances avec les films de monstres classiques en mettant en scène des humains (tout aussi dangereux) et en privilégiant le questionnement sur les limites de la science au triangle habituel "grand méchant / demoiselle en détresse / jeune premier". On se prend, d’ailleurs, à être en accord avec le choix du professeur McFarlane (qui est le véritable personnage principal du film) qui choisit l’avancée médicale pour le bien de tous au détriment de la morale (surtout religieuse). Le film est, à ce titre, étonnement subversif ou, à tout le moins, ambigu puisqu’il démontre les bienfaits des talents du professeur sur la petite fille malade… tout en prenant bien soin de montrer les dérives du méchant fossoyeur et son goût pour le meurtre. Ce refus du manichéisme est un autre atout du film… tout comme le casting réuni puisque, outre la vedette Karloff, on retrouve l’excellent Henry Daniell (et sa gueule improbable) en professeur frôlant la folie, un Russell Wade bien moins falot qu’on aurait pu le craindre au vu de son rôle ou encore le culte Bela Lugosi dans un petit rôle. La mise en scène de Robert Wise est, également, travaillée… surtout lors du final, plutôt surprenant, qui donne tout son sens à la folie intérieure rongeant le professeur. "Le récupérateur de cadavres" est, donc, une production qui mérite d’être redécouverte, même si elle ne bénéficie pas de l’aura de nombre de ses prédécesseurs.