Qui a dit que le cinéma de genre français ça n’existait pas ? Et bien Olivier Abbou va vous prouver le contraire avec son premier long métrage par lequel il va jouer la carte de l’engagement envers la sacro-sainte nation toute-puissante que sont les États-Unis d’Amérique. Le récit nous propose de suivre cinq amis revenant d’un mariage au Canada qui rentrent en voiture aux USA, lorsqu’ils se font arrêter en pleine forêt par deux membres de la Police des Frontières. Ce qui se présente alors comme un banal contrôle de police va petit à petit se transformer en une situation aussi incompréhensible que malsaine : alors qu’ils n’ont rien à se reprocher, les « policiers » vont commencer à faire du zèle très poussif, enchaînant les questions les plus surprenantes et tendancieuses, les amenant au final à accuser nos pauvres « touristes » de terrorisme. Il n’y a pas à dire, Olivier Abbou nous balance en pleine poire une proposition cinématographique vraiment dérangeante, qui n’a pas peur d’appuyer là ou ça fait mal à savoir sur les excès du patriotisme américain : les deux pseudo officiers de police sont des vétérans de la guerre du Golfe en Irak dont le comportement raciste et tortionnaire est une façon personnelle de protester contre la politique isolationniste de Barak Obama et son intention de fermer le camp de Guantanamo, emblème absolu de ce que l’Amérique a pu faire de mieux en matière de lutte contre le terrorisme international. Mais pourquoi s’arrêter là ? Quand on a une idée, il faut aller jusqu’au bout : alors que le film s’attarde sur ce qui pourrait être considéré comme une caméra cachée de très mauvais goût, le récit prend une tout autre tournure avec un évènement de non retour qui va accélérer les choses. Le film bascule alors dans une horreur psychologique pure et extrêmement réaliste, et c’est bien maintenant que le véritable cauchemar va enfin commencer. Et c’est à moment précis qu’Abbou va aller au bout de son concept en prenant tout le monde de cours en essayant de nous parler de parler des humains qui se cachent derrière les bourreaux, nous dévoilant des passages intimes hallucinants pouvant servir de justification aux comportements déviants des policiers. Oui, vous avez bien lu, le réalisation tente une chose extrêmement casse-gueule : faire passer l’identification du spectateur de la victime au tortionnaire…et aussi incroyable que cela puisse paraître, cela fonctionne horriblement bien et confère au métrage une sombre atmosphère ambigüe du plus bel effet. Vont donc s’en suivre des séquences d’interrogatoires et de tortures aussi monstrueuses que viscérales, et cela sans jamais se montrer gore (une belle prouesse quand, de nos jours, « horreur » rime avec « hectolitres d’hémoglobine » !) Malheureusement pour nous, le dernier acte va faire retomber la tension en proposant une trame assez molle pour terminer sur un dénouement certes cohérent mais tellement prévisible. Voilà certainement le gros défaut du film…heureusement que tout ce qu’il y a eu avant soit aussi puissant émotionnellement parlant : cela évite au métrage de n’être qu’un soufflé qui aurait totalement retombé ! Un grand bravo au casting qui, malgré le fait que je n’en connaisse aucun, joue avec une justesse incroyable (Roc LaFortune est tout simplement MONSTRUEUX, au premier degré comme au figuré !). Pour son tout premier long métrage doté d’un budget minuscule, Olivier Abbou a accouché d’un film d’horreur psychologique furieusement engagé en dénonçant les dérives xénophobes et sécuritaires de la politique internationale et nationale des États-Unis. Malgré une dernière partie pas du tout à la hauteur du reste du métrage, "Territoires" est un vrai film coup de poing laisse un goût sacrément amer dans la bouche après visionnage. Non, le cinéma de genre français existe bel et bien et Olivier Abbou est un réalisateur à suivre dans le futur.