Voir Peter Jackson manger une carotte, c’est drôle, mais moins drôle que de voir Peter Jackson se faire tuer par Legolas. Et c’est un peu l’impression que donne Le Hobbit : La désolation de Smaug. Le Hobbit est moins, le Hobbit n’est pas assez, le Hobbit n’est plus assez. Quelles sont les causes d’une telle déception ? La réponse dans quelques lignes.
Alors que le premier volet avait été décrié (on ne sait pas trop pourquoi) celui-là a été globalement bien accueilli (…et on ne sait pas trop pourquoi). Pourtant, il est difficile de se dire que c’est l’homme derrière la trilogie du Seigneur des Anneaux, King Kong et autres qui est responsable d’un tel gâchis. « Mais batar se film ila tro des bon zéffés spécio comme avatar wesheu ». Très bien vous me lancez sur les effets spéciaux, alors c’est parti. Si ce ne sont pas les effets spéciaux les plus hideux de tous les temps, on est loin de crier au génie visuel. En effet le film souffre d’un abus de (mauvais) CGI (=Computer Generating real life Images), qui devient une solution a tout dans le film. Que ce soit les scènes avec les araignée/orques, les choses qui ne se passent pas au premier plan, le relifting de Legolas en numérique en plus du maquillage, tout transpire le faux. Ce qui a pour conséquence de nous faire sortir du film et de nuire grandement à l’immersion. La différence de rendu entre le réel et le numérique sera alors flagrante et ne fera que s’ajouter aux autres défauts non moindres………voilà je viens de péter la gueule du kikoo de tout à l’heure avec un marteau, nous pouvons continuer. Car il serait injuste d’accorder l’échec du film à des mauvais effets spéciaux, ces derniers étant le plus souvent liés au budget…Comment ? 250 millions ? Ha oui là les mecs vous abusez un peu.
En réalité le principal défaut du film est… (suspense)…la coupe de cheveux de Nori…je plaisante, c’est son histoire, la manière dont elle est construite et les personnages qu’on y découvre. A une scène d’ouverture inutile succède un récit peu haletant dans lequel les enjeux ne sont jamais partagés. Le seul bon point serait la relation entre l’anneau et Bilbon, campé par un Martin Freeman au jeu plus développé. Pour le reste, on ressent le grand manque de graduation du film. Pas une once d’intensité, pas un sursaut d’imagination, pas un élan de courage ne nous fera vibrer. Qui plus est, le montage aléatoire donnant l’impression d’avoir été fini à la machette rouillée perd le spectateur. Nulle fluidité dans l’enchainement des événements ne saura le retrouver. Il y a au moins une heure et demie de trop durant laquelle il ne se passe rien et où l’on s’ennuie, ce qui n’est pas génial niveau immersion. C’est là un autre défaut du film, il ne nous emporte jamais, ne nous fait pas ressentir. De cet ensemble sans réelle personnalité ne peut alors naitre une ambiance qui nous transporte en Terre du Milieu. Là où le premier opus faisait vivre des moments épiques et jouissifs, La désolation de Smaug nous montre des choses quelconques. La faute en partie à une musique sans grande inspiration, un peu recyclée et passant inaperçue, en témoigne la musique d’introduction, la musique du générique, et la plupart des morceaux du film. De la même manière que Peter Jackson réutilise des plans du premier film, Howard Shore réutilise ses propres musiques(le morceau « Minas Morgul » pour les incultes). Et oui Howard, tu croyais berner tout le monde avoues-le.
A cela viennent s’ajouter des incohérences inacceptables comme par exemple : Un dragon qui passe juste au-dessus de dix nains et d’un hobbit, sans les sentir, alors que juste avant il avait senti Bilbon , pendant que ce dernier était invisible et que ledit dragon ne connaissait pas l’odeur du hobbit. N’oublions pas non plus de citer les clichés qui envahissent le film comme ce P****N de triangle amoureux made in Twilight (zut, je m’étais juré de ne plus jamais en parler) ou le fameux et non moins exaspérant « Oh non, le méchant bloque mon arme avec ses bras, devrais-je rapidement sortir une de mes dagues pour lui déchiqueter la façade ? Non je vais juste utiliser ma force sachant qu’il soulève une masse faisant deux fois mon poids avec une main ». A croire que Peter Jackson s’est inspiré de Pacific Rim.
Saviez-vous que des personnages ont été rajoutés par rapport à l’histoire d’origine ? Bon maintenant tous ceux qui pensent qu’ils ne devraient pas être dans le film car ils ne sont pas dans le livre, prenez ce dernier et cognez-vous la tête avec jusqu’à ce que vous changiez d’avis. Il s’agit là d’une adaptation et en tant qu’adaptation, des libertés peuvent être prises. Le problème vient du fait que les nouveaux personnages n’ont pas été travaillés et n’apportent pas grand-chose. S’il y a peu de reproches à faire au niveau du jeu (Orlando Bloom, Lee Pace, Evangeline Lily…), les personnalités laissent à désirer. Thranduil est peu présent pour être intéressant, Legolas (qui surfe sur tout ce qui bouge) n’est qu’un fan service de luxe et Tauriel sert juste à nourrir une romance poncive digne d'High Scholl Musical (décidément il faut que j'arrête) . On découvre également un métamorphe dont le clan a été décimé par les orques mais que ces derniers refusent pourtant d’attaquer (ha les orques et la logique…). Mais tout cela n’est rien comparé à Bard. Là encore ce n’est pas tant un problème d’acteur car Luke Evans reste efficace, mais c’est ce que le personnage amène qui est regrettable : quarante minutes de rien, de clichés, d’ennui. De quoi donner des frissons à chaque fois qu’on réentendra LacVille (des frissons de sommeil bien sûr…euh attendez). Il est ainsi dur de s’immerger dans un film sans ambiance, aux enjeux faiblement ressentis et avec des personnages peu riches…Ha oui et Gandalf a droit à seulement quinze minutes de film…qui le font passer pour le magicien le plus nul de tous les temps (bon ok je compte pas ceux d’ " Insaisissables").
Même la réalisation, habituellement grandiose, n’est ici plus que l’ombre d’elle-même. Pas un plan ne nous subjuguera, pas un effet de mise en scène ne ressortira. Si les angles choisis font assez bien ressortir la prestance de Smaug (campé vocalement par un Benedict Cumberbatch en forme), ils sont pour le reste étrangement choisis et donnent un côté confus à quelques combats. De même la répétition en boucle de certains plans aura vite fait d’appuyer le manque d’imagination. Par ailleurs, on se retrouve avec deux plans (inutiles cela va de soi) filmés à la GoPro, qui en plus de ne rien apporter, créent un décalage avec le film en nous faisant sortir de ce dernier. De plus la 3D demeure une vaste blague commerciale plutôt qu’un véritable gage d’immersion.
Un des autres défauts du film (oui ça commence à faire beaucoup) est qu’il ne s’axe pas autour d’un thème. Par exemple, dans le film précédent, le message était que même les petites choses (un hobbit…) peuvent en réaliser de grandes. Ce message fut développé à travers le thème du courage et mis en valeur dans la scène finale : quand Bilbon sauve Thorin, lui-même sauvé par trois nains s’opposant à une armée de wargs, le tout porté par des plans parfaits et surplombé par les sonorités lourdes de la partition de Howard Shore. Vos tripes ne peuvent alors rester tranquilles. Dans la Désolation de Smaug, le message est…qu’être riche c’est bien mais ça risque de faire des dégâts selon la manière dont on l’est devenu ?....Qu’il faut s’accrocher à son héritage ?...ou que les différences peuvent être surmontées à travers…l’amour…ça alors.
Comme les moutons gothiques encensent Tim Burton, les moutons barbus bénissent Peter Jackson parce qu’il vient de leur livrer un film (pas un bon mais ça ils s’en fichent). On y trouve même une blague un peu cochonne qui ravira tous les geeks à bouc de la planète à l’humour stéréotypé. On reste cependant légèrement plus sceptique. Après une séquence de fin interminable qui témoigne d’un film beaucoup trop long, le dragon sort de sa tanière (non sans avoir provoqué quelques incohérences, cf. les lois de la physique sur l’or fondu pour les nains nuls), Bilbon nous laisse sur un cliffhanger, et Legolas s’en va poursuivre Bolg sur son cheval…en CGI bien sûr.