Le genre de films qu'il faut avoir vu si l'on se prétend cinéphile. Par où commencer? Peut être par dire qu'il a été écrit par Andrew Niccol, le scénariste et réalisateur du très bon Lord of War. Ce n'est pas de vente d'armes qu'il s'agit ici, mais d'un autre sujet d'actualité, plus proche de nous, plus brûlant et peut être plus dangereux: la télé-réalité, couplé avec un autre, à savoir la destruction de la limite entre la vie privée et la vie publique. Une thématique vaste et difficile, heureusement traitée avec brio. Car avant de nous parler de télé réalité et de société de consommation, c'est d'inventivité, d'humour et d'émotion qu'il est ici question. L'identification du spectateur à Truman, le personnage principal, banal américain moyen, se fait dès les premières minutes du film, et dès le départ le spectateur est entraîné dans ce tourbillon de suspense, de doutes et de rebondissements que constitue le scénario. Les excellents dialogues, la mise en scène brillante et la musique souvent mémorable en font un divertissement très efficace, tandis que le scénario gagne en profondeur à chaque scène. Comme le protagonsite, le spectateur commence à comprendre que quelque chose ne tourne pas rond dans ce monde séréotypé et conventionnel; et il commence, par une sorte de mise en abîme, à s'identifier aux spectateurs de l'émission de télé réalité que constitue la vie de Truman, et donc à réfléchir sur les fondements du concept de télé réalité, en même temps qu'il se divertit du spectacle qu'offre le film. L'univers dans lequel évolue Truman devient vite étouffant et angoissant: le suspense augmente en intensité, et dans le même temps les interrogations philosophiques se multiplient. Là où le film excelle, c'est dans la dénonciation du voyeurisme, de la société de consommation et des émissions de divertissement: avec l'humour, il en fait ressortir la stupidité. Mais avec la noirceur, il nous fait concevoir tout ce que peut revêtir de dictatorial la société de consommation: on retrouve plusieurs codes d'un totalitarisme à la "Big Brother" (caméras omniprésentes, une élite qui régit la vie, les habitudes, jusqu'aux sentiments et à la pensée du personnage...), appliqués à notre propre monde. Ce qui amène le spectateur à se poser la question suivante: ce "totalitarisme capitaliste" ne pourrait-il pas un jour devenir réalité, si nous continuons à favoriser cette société de loisirs en regardant ces émissions? Excellent divertissement sur la forme, oeuvre d'une profondeur bienvenue dans le fond: on regarde the Truman Show avec plaisir, et on y repense avec intérêt. Le seul bémol réside pour moi dans la fin: trop peu pessimiste, pas assez sombre, elle fait finalement retomber une partie des fondements de la noirceur du film. Pour autant, ce film, qui reste un incontournable, passe à deux doigts du chef d'oeuvre.