Besson nous fait une nouvelle fois un remake de l'existant, mais encore une fois en moins bien. L'idée de départ pourrait être bonne, même si son développement, et en particulier la chute, rappellent douloureusement "Le cobaye", ou encore certaines thématiques développées dans des films comme "Matrix" ou même "Johnny Mnemonic" et "Ghost in the Shell". Après tout pourquoi pas ? Sauf que plutôt que de prendre le parti pris de la science-fiction et de nous offrir un film qui aurait pu être divertissant, avec l'humour, Besson joue dans le sérieux et croit visiblement au jargon pseudo-scientifique qu'il nous assène (mythe des 10%, etc.) et met tout en place pour nous le faire croire.
Du coup, le film en devient presque ridicule et assez ennuyeux, dès lors que de longs discours et un montage d'images de documentaires nous abrutissent de contre-vérités qui ne tiennent pas la route, pendant que le reste du scénario et de la mise en scène sont absolument vides. L'évolution du personnage tient du degré zéro du jeu d'acteur, ce qui a permis à Scarlett de n'utiliser que 5% de son cerveau pour jouer dans ce film et l'histoire pourrait tenir en trois lignes. Besson se veut cinéaste philosophe, mais ce n'est pas donné à tout le monde. Il ne peut s'empêcher de réutiliser les mêmes recettes des films commerciaux grands publics qui ont fait le succès de sa boite de production : des poursuites de voitures à n'en plus finir et sans réel but (Taxi, le transporteur), des fusillades entre gansters et flics, qui une fois de plus n'a pas lieu d'être dans Lucy (Léon, Nikita), une héroïne qui lutte seule contre tous (Nikita, le 5ème élément), et ainsi de suite. On prend tout, on le met dans un shaker et on secoue pour donner Lucy. Bref, des scènes qui se succèdent les unes après les autres, sans liaisons, sans relations, sans qu'il y ait une progression logique dans le scénario, sans réel suspens tant on se doute à chaque étape de quelle sera la suivante, un peu comme un clip ou dans un jeu vidéo. Avec Lucy, on a plus l'impression d'avoir à faire au Besson producteur que réalisateur, et on s'ennuie à mourir. Même les effets spéciaux semblent avoir été concoctés par les élèves de sa cité du cinéma, plutôt que par des professionnels. Quant à la musique, encore du Serra, qui ne se fatigue pas et nous ressort des mélodies qui ressemblent étrangement à ce que l'on a pu entendre dans le 5e élément, Léon, etc. En gros, on prend les mêmes et on recommence, si bien que ce film donne une impression désagréable et constante de déjà vu, sans que l'on ne parvienne à être surpris une seule seconde.
En tous cas, on attend encore le Besson philosophe que ce film était censé nous faire entrevoir. Besson dit avoir réfléchi 20 ans sur ce film. Il aurait été judicieux qu'il attende 20 ans de plus et qu'il utilise ce temps pour ouvrir un ou deux livres de sciences. Le problème n'est pas que ce qu'il raconte ne tienne pas la route : ce ne serait pas le premier film de science-fiction dans ce cas et cela pourrait être divertissant si le reste du film était de qualité. Le problème est qu'il essaie absolument de nous convaincre que ce qu'il raconte est vrai, le fait de faire un film servant visiblement de prétexte (tant sa qualité est globalement médiocre) à un discours philosophique. On dirait qu'il a mis toute son énergie dans le message qu'il a voulu faire passer et qu'en gros, il ne lui restait plus aucune énergie à mettre sur le film en lui-même, comme si d'ailleurs, le film ne l'intéressait pas. Il avait quelque chose à dire, il voulait le dire et il l'a dit, et le film n'était qu'un prétexte et un vecteur. En gros, il s'en fichait visiblement comme d'une guigne que sont film soit nul, tant qu'il pouvait dire ce qu'il avait à dire. Or, le problème c'est que ce qu'il dit est faux et que ce qu'il dit il le dit mal, jusqu'à nous plonger dans un ennui abyssal.
En effet, n'importe quel neurologue vous dira que l'histoire des 10% du cerveau est un mythe. Que dire quand on entend un soi-disant fille super intelligente et utilisant toute ses capacités cérébrales dire que la seule unité est le temps, alors qu'il suffit d'ouvrir n'importe quel livre de physique pour comprendre, comme nous l'explique Einstein, que le temps n'existe pas et que la seule constante est la vitesse de la lumière. Comment ne pas rire quand Besson nous explique que les dauphins utilisent 20% de leur cerveau tout ça parce qu'ils possèdent un organe capable d'émettre des ultrasons? Quid de la chauve-souris, des requins qui sont sensibles aux champs électriques, des oiseaux qui utilisent le champ magnétique, etc. ? Et tout le film est comme cela, débile dans le fond, débile dans la forme, vide de sens, vide de scénario, vide de mise en scène, mais il plaira certainement aux amateurs de new age, de poursuites de voitures, de gros flingues et à tous ceux qui vont au cinéma pour voir des images défiler sans but, un peu comme une page de pub à la mi-temps d'un match. En bref, une vrai déception sur tous les points.