Premier film créé sous les règles du Dogme95, un mouvement cinématographique inventé par Vinterberg et Lars Von Trier, c'est à mes yeux l'exemple type du film parfait. Poignant, choquant, terriblement humain et dramatique, Festen (qui signifie "Fête de famille") nous montre comment, en l'espace de quelques minutes, un douloureux passé et de sordides révélations peuvent surgir sans prévenir et rendre un repas de famille complètement cauchemardesque. C'est le genre de films qui choquent, qui émeuvent, bref : qui laissent sur le cul. On a ici des images qui paraissent terriblement réelles, crues, et on sent d'ailleurs que Pardonnez-Moi, le film incroyablement bouleversant de Maïwenn, s'en inspire directement (en moins bien, ceci dit). Festen est difficile à décrire mais il dépeint la démantibulation d'une famille due à un passé monstrueux. Le film aborde deux sujets sensibles en même temps. L'un d'entre eux est le plus important, le plus captivant et nous tient accroché au film pendant toute la durée de celui-ci. Je ne vais pas révéler de quoi il s'agit afin d'intriguer ceux qui n'ont pas vu le film, mais c'est assez révoltant et ça met clairement le spectateur dans un état de captivation intense, ahuri et quasiment gêné. Les dialogues de ce film sont des pures merveilles, ils nous secouent et nous font réagir. Il est clair que devant ce genre de film, on ne peut que ressentir des choses très étranges. Une vraie expérience cinématographique pleine de puissance, une authenticité hallucinante qui nous plonge dans une fiction qu'on pourrait prendre pour un documentaire en raison de la façon de filmer et d'aborder les sujets. Le deuxième sujet est le racisme. Criant dans le film, j'ai rarement vu le racisme abordé de manière aussi percutante (à part bien sûr dans American History X). On sent toute la haine qui se dégage de cette famille, en particulier du fils cadet Michael (joué par Thomas Bo Larsen), entonnant des chants anti-noirs en les insultant de macaques. Ca m'a personnellement touché et ça montre à la perfection à quel point ces idées peuvent être moches et non fondées. A part ces deux sujets vraiment prenants sur lesquels s'appuie le film pendant plus de 1h30, Festen se démarque évidemment par sa justesse et sa vraisemblance incroyables. La caméra à la main nous donne l'impression d'assister à un vrai repas de famille filmé en amateur. C'est comme si nous étions nous aussi conviés à cette réunion et que nous en subissions les paroles et les actes avec tout le monde. Un film anti-superficiel, monté sans musique et sans artifices visuels. On s'imprègne donc avec grande facilité dans ce manoir, pour ne plus le quitter jusqu'à la fin de l'intrigue. Le gros point fort de ce film est le casting. Les acteurs sont impressionnants, touchants, profonds. On n'a pas des personnages plats ni fades, mais vraiment passionnants, avec un passé creusé. Tous les personnages sont accompagnés d'une énorme sensibilité, liée à un drame qui les lie tous. Ils vont vivre un enfer pendant le reste de leur soirée et ne pourront pas y échapper car Christian a bien décidé d'aller jusqu'au bout de son projet. A ce propos, Ulrich Thomsen est tout simplement stupéfiant et saisissant. C'était quasiment son premier film et son talent est demesuré. La meilleure prestation que j'ai vu depuis très longtemps, montrant à travers un unique rôle qu'il peut être on ne peut plus poignant, avec son visage fermé et sérieux. Il incarne ici un fils (et un frère) qui souffre car il cache un secret terrible depuis son enfance, un secret qui remet en cause toute la famille et en particulier la mort de sa soeur. Son personnage garde, pendant toute la soirée, le même visage serein et calme même si on sent énormément de tension et de stress au fond de lui. Mais il prend tout sur lui, finissant son plat et buvant son vin comme si de rien n'était alors que tout le monde le fixe avec horreur, et est bien décidé à se lâcher. Bouleversant. Thomas Bo Larsen est génial lui aussi mais dans un rôle totalement différent, un vrai salaud qui se calmera uniquement à la fin du film. Quant à Henning Moritzen, que dire ? Il est épatant, touchant, et on se retrouve même dans une situation où on ne sait pas bien si on doit le plaindre (ce qui est un sentiment très étrange pour le spectateur qui en voit de toutes les couleurs). On a également pas mal d'humour du côté des cuisines, puisque Kim, l'ami d'enfance de Christian qui s'occupe de préparer le dîner avec son équipe de cuisiniers, fait tout son possible pour retenir les invités afin que Christian puisse aller le plus loin possible. Bref, un film parfait sans aucune longueur, aucune scène inutile, qui nous prend aux tripes d'un bout à l'autre avec un film très différent de ce qu'on a l'habitude de voir. Un véritable chef d'oeuvre, brillant, qui nous coupe le souffle. La fin est absolument magnifique et poignante.