Les sociétés occidentales de la vieille Europe vacillent sur leur base. Plus rien de ce qui a été construit socialement depuis la Seconde Guerre Mondiale ne semble pouvoir être durablement assuré. Dans ce contexte morose, l’avenir des retraités n’échappe pas à une profonde remise en question. C’est comme ça que des grappes de pensionnés des classes moyennes tentent l’aventure de passer leur vieux jours sous des hospices plus cléments et surtout moins onéreux. Les anciennes colonies constituent paradoxalement une destination de choix pour ceux natifs des empires déchus. Le français privilégiera la Tunisie ou le Maroc tandis que l’anglais songera naturellement à la patrie de Gandhi. Le cinéma lui aussi s’adapte à la crise et un nouveau genre nommé le « feel good movie » ou plus prosaïquement, « le film qui vous fait vous sentir bien » fait désormais fureur qui a même ses sites web dédiés. C’est donc habilement que John Madden, réalisateur anglais émigré à Hollywood et un peu en déveine depuis le succès surprise de « Shakespeare in love » en 1998, s’est emparé du livre à succès de Deborah Moggach (This Foolish things) qui relate par le menu la lente adaptation de sept retraités qui pour des raisons diverses mais essentiellement économiques se retrouvent à Jaipur, capitale du Rajasthan, dans l’espoir de passer une retraite tout à la fois plus paisible et confortable. La curiosité récente pour le cinéma indien populaire nommé « Bollywood » était un gage de succès supplémentaire pour John Madden qui entendait relancer sa carrière. Le casting de luxe constitué des pointures du cinéma anglais ayant réussi à Hollywood fera le reste. Le film a effectivement été un succès, générant une suite, « Indian Palace : Suite royale ». D’emblée le scénario, concocté par Madden lui-même, aidé de Deborah Moggach se précipite sur tous les clichés possibles tant au niveau de la vie en Inde vue de manière idyllique et à travers un prisme occidental déformant qu’au niveau du phénomène du vieillissement rejeté par les sociétés consuméristes de l’occident. Heureusement et c’est la bonne idée du film, le jeune, naïf et maladroit gérant du Marigold Hotel (Dev Patel) va remettre tout de suite les choses dans leur contexte réel expliquant à ce « clan des sept » débarquant exténué qu’il leur sera plus doux de venir mourir ici. Pour parfaire son accueil, il leur explique que tous les matins il fera l’appel à voix haute afin de vérifier qu’aucun d’eux n’est mort dans son sommeil. Fort de cette arrivée tonitruante mais aussi un peu déceptive, l’hôtel tombant en décrépitude, les Julie Dench, Tom Wilkinson, Bill Nighy, Penelope Winty, Imrie Celia, Ronald Pickup ou Maggie Smith en grands professionnels qu’ils sont, vont habiter efficacement leurs personnages que le scénario a bien sûr prévus très typés, de l’homosexuel venu mourir sur le lieu de ses premiers émois, au couple qui se déchire en passant par la veuve inconsolable, le vieux beau qui se croit encore au milieu de la basse-cour ou la vieille chouette mal lunée qui aimerait bien diriger la troupe à la baguette. C’est en partie grâce à eux que l’on parvient à oublier le caractère plus qu’opportuniste de l’entreprise. «Feel good movie » tel est bien le mot qu’il faut attribuer à cette douce camomille qui un temps vous fera envisager le grand âge comme une partie de plaisir, mais il ne faut pas en attendre plus.