Une des curiosités du film de Rodrigo Pla, c'est qu'il est urugayen, et j'ignorais que le cinéma urugayen, ça existe....
Maria (Roxana Blanco, une Ariane Ascaride qui ignorerait que le sourire existe) est une couturière à domicile pour la confection; toute la journée, elle pique des jeans; elle a à sa charge trois enfants -une ado et deux petits garçons- et son vieux père, Agustin (Carlos Vallarino), qui s'enfonce lentement dans l'Alzeimer. Il faut le laver; il se pisse dessus; et surtout, il fait des fugues. Il retourne souvent dans le quartier de leur ancienne maison, une villa, qu'ils habitaient quand la vie était plus facile. Pourquoi se sont ils paupérisés, pourquoi n'y a t-il pas de mari: on ne le saura pas.
La situation devient trop difficile, père et fille décident que la seule solution est qu'Agustin aille dans un centre d'hébergement. Mais, on leur répond que ce n'est pas possible: le salaire de Maria, plus la retraite d'Agustin, plus les allocations familiales, c'est beaucoup trop. On leur fait comprendre que ces centres d'hébergement sont réservés, en priorité, aux indigents, aux personnes de la rue.
Elle a bien une soeur, mais la soeur ne veut pas entendre parler d'accueillir le vieux père. Alors: elle l'abandonne sur une place. Elle l'abandonne, elle l'oublie, elle le perd. Dit aux enfants désorientés que, oui, Pappy a été pris. Elle pense qu'il va être conduit dans un de ces centres, car la nuit s'annonce glaciale....
Effectivement, les voisins s'inquiètent de le voir, ce vieux monsieur, assis seul sur son banc au milieu du petit parc; on appelle une patrouille, mais Agustin dit que, non non, pour rien au monde il ne doit bouger de ce banc, qu'il a rendez vous avec sa fille, qu'il l'attend et qu'elle doit avoir du retard... Une bonne personne lui apporte une boisson chaude, propose de l'aider, mais non: Maria va arriver, pourvu que les enfants n'aient pas eu de problème. En fait c'est la nuit qui arrive, ses mains sont gelées, il n'a pas de gants, ses jambes sont gelées, il s'est pissé dessus.
Pendant ce temps là, Maria fait tous les centres d'urgence pour retrouver son père....
Carlos Vallarino n'est pas un acteur professionnel. En tous cas, il est extraordinaire dans ce rôle. Il a ce regard perdu, incompréhensif, interrogatif de ceux qui sentent que leur raison leur échappe. C'est un film profond qui traite d'un sujet grave. C'est dommage qu'il soit étouffé par son misérabilisme. Faut il vraiment que Maria porte des cheveux gras et en vrac? C'est encore une jeune femme, elle n'a pas d'homme, c'est impossible qu'elle ne consacre pas quelques instants le matin à se coiffer en se regardant dans une glace. Les décors sont d'un glauque! taudis sordides, rues sans éclairage..... Ah, c'est pas une pub pour le tourisme en Uruguay, visit Montevideo! Tout est d'une laideur...
C'est vraiment dommage, parce que l'on perd de vue le côté tellement universel de ce problème: on ne sait quoi faire du parent qui perd la tête, on se sent coupable de le placer, et puis les centres agréables sont hors de prix, et vient un moment où l'on est si découragé que l'on perd la tête, et on est prêt à tout pour se débarasser de cette personne qui n'est plus rien qu'un boulet à traîner.....
Le genre de film à éviter les jours de cafard où l'on se sent vieillir.... Mais qui mérite l'intérêt.