Journaliste israélien, ayant longtemps travaillé à recueillir les témoignages de la population arabe de Gaza (dont il faut toujours avoir en mémoire qu’elle est une des parties du monde la plus densément peuplée, avec environ 4000 habitants au km²), Shlomi Eldar prend connaissance par hasard de l’existence de Mohammad et de sa situation si particulière qu’elle suscite une extrême émotion, mais aussi un certain nombre d’événements et de réactions qui relèvent dans le contexte politique de l’exceptionnel, sinon du miracle. Avec l’accord des parents de Mohammad et du fantastique médecin, l’ancien journaliste qui signe là son premier long-métrage saisit les différentes étapes de la mobilisation autour du bébé, tout en mettant en perspective la problématique du conflit, grâce aux échanges fournis, d’une intelligence et d’une lucidité qui réconfortent, avec Raïda principalement, la mère du nourrisson. Il nous est donné d’assister sans apitoiement et sans hypocrisie, mais au contraire avec la franchise la plus directe et rugueuse que l’on puisse concevoir, à la confrontation de positions, où l’émergence du doute et le vacillement de convictions de part et d’autre vont amener une mère courage, épuisée et anéantie par sa propre histoire, à trouver et emprunter le chemin où la vie devient simplement précieuse.
Il faut saluer ici l’intégrité et la justesse de la démarche de Shlomi Eldar. L’évolution de l’état de santé du petit Mohammad, inconscient des enjeux inouïs dont il est le centre involontaire, suit en parallèle celle du documentariste, qui se filme errant, la nuit, sur les autoroutes presque désertes qui entourent Tel Aviv et Jaffa, contrepoint (volontaire ?) au surpeuplement de Gaza, en proie au doute sur le bienfondé du film en train de se faire. Il sait aussi trouver la bonne distance, sa caméra omniprésente n’en devient pas pour autant ni envahissante ni indiscrète. Au travers du destin d’un bébé de quelques mois, Shlomi Eldar nous entraine à sa suite dans une plongée au cœur d’un conflit, dont il mesure bien la complexité et l’enracinement tenace dans les traditions et l’histoire la plus lointaine, tout en délivrant au final un message d’optimisme et d’espoir, que le cinéma comme art – et merci à lui de l’envisager comme tel – se doit de mettre en relief et de relayer.