Lors des 86e Oscars, le film de John Wells concourait dans deux catégories. Meryl Streep était nommée dans la catégorie "Meilleure actrice" et Julia Robert dans celle de la "Meilleure actrice dans un second rôle". L’Académie a été très inspirée au vu de la prestation des deux comédiennes qui surpasse tout le long-métrage. Le texte est plutôt prenant et efficace à l'écran. Son adaptation, faite par l'auteur lui même (Tracy Letts), n'aurait pas démérité elle aussi d'être honorée aux nominations. Quoique peut-être pas seyant au format cinéma tant la forme est théâtrale.
La performance de Julia Roberts a beau être excellente, sa nomination aux Oscars n'a en fin de compte aucune logique. Son personnage n'a absolument rien de secondaire. Tout le récit tourne autour de sa relation avec sa mère. Le duo fait des merveilles dans ce qu'il dévoile peu à peu. A la fois conflictuelle et d'une grande réciprocité, leur relation est au centre du récit. Meryl Streep arrive immédiatement à nous faire ressentir l'affection qu'elle a pour sa fille. Le personnage de Barbara fait d'entrée figure de fille modèle. Violet voit en sa fille la force qu'elle cultive en elle même. Même si cette dernière croit masquer ses faiblesses en cachant son récent divorce. La vision que le personnage de Julia Roberts a de la séparation est assez éloquente dans la place qui est faite à la mère de famille. Sur le premier repas qui réunit cette famille, Meryl Streep commence délicatement à dévoiler les failles de la veuve. Par un discours musclé elle se place en patronne d'une smala peut-être matriarcale. Puis délègue le bénédicité à la fille prodigue, pour finalement se raviser sur le patriarche par forfait, l'oncle. Comme pour se cacher des attentes qu'elle placent en sa fille. Bien qu'elle ne cesse, par la voix de son défunt mari une fois de plus, d’exprimer la désolation face aux distances prise par la fille. Dans l'escalade de la folie elles se livrent à de belles confidences. Leur relation exclusive éclipse tout les second rôles pourtant bien campés. Juliette Lewis (Une nuit en enfer) méconnaissable et Julianne Nicholson apportent ce qu'il faut aux sœurs imparfaites. Ivy ne prête aucune attention à son allure, même si elle est bien plus jolie que ne le prétend sa mère, et finie même par afficher aucune importance au paraître. Dans sa tenue ou ses relations, l'apparence ne compte pas du tout pour celle qui semble être la fille du milieu. Au contraire de la plus jeune des sœurs. Karen incarne le mot superficiel. Alors qu'Ivy se bat pour que son amant ne soit pas traité comme un raté, le fiancé de la cadette Karen s'avère être un gros naze. Steve ressemble au gendre idéal. Belle voiture, bonne manière et bon job. Les apparences sont évidemment trompeuses. L'autre beau-fils est moins beauf mais pas vraiment attachant. Ewan McGregor est trop circonspect, un peu vide et parfois pas tout à fait juste. La scène de l'engueulade avec Julia Roberts qui est écrite pour son personnage et pour être assez forte sonne faux et creux. Les répliques lyriques s’enchaînent trop ça ne dégage ni émotion ni crédibilité. Un géant s’efface à l'écran. Le troisième fils par alliance est sacrément particuliers. Cela relate de la folie de cette histoire de famille. Ça surprend, indigne et c'est voulu et normal. Ivy en ressort encore plus écornée. C'est en tout cas un réel plaisir de voir, le très en vogue, Benedict Cumberbatch dans un rôle tout en finesse. La jeune Abigail Breslin reste prometteuse.
L'adaptation du texte garde une forme très théâtrale. Les dialogues apportent crescendo les éléments importants à l'histoire, les comédiens battissent leur personnages au fur et à mesure de leurs paroles et de leurs gestes. On est très proche du huit-clos dramatique à la Roman Polanski. Le carnage qui envahit peu à peu cette famille fait même penser à son adaptation de la pièce de Yasmina Reza. Les vérités s’enchaînent comme les scènes et se répondent dans l'horreur. A force de ne plus se mentir, la famille sème en elle un chaos incommensurable. Cette écriture très dramatique est traduite dans la mise en image. Les comédiens entrent à l'écran comme ils le feraient sur scène. Julia Roberts en fausse retenue s'arrête au pas de la porte pour écouter un conversation, vaudevillesque. Cet écoute de récit conversé garde tout de même un certain naturel, dans la forme. L'intrigue en revanche monte en puissance dans l'extravagance et le burlesque. Mais c'est ce qui fonctionne et en fait une tragédie efficace.
Les nerfs d'une famille décomposée après la perte de son père. Le recueillement expose des révélations éclatantes. Déflagration blessante qui touchera chacun des membres. Trop fougueux, brusque et hâtif, "Un été à Osage County" n’exploite pas tout son potentiel émotionnel. Et ce malgré un casting plutôt juste dans l'ensemble, Julia Roberts et Meryl Streep au sommet de leur art.