De prime abord, un amour inconditionnel des 80's ; format cathodique non sans évoquer la grande époque du Polaroid, déco et accessoires vintage, une vraie machine à remonter le temps nous plonge dans un contexte valorisant le courage de ses personnages aspirant à rester, être, devenir eux-mêmes, pour mieux le relativiser ensuite. Un film autour du genre plus que de genre, à l'esthétique soignée, aux paradoxes reflétant la complexité d'un sujet qui bien que justement effleuré pour éviter la stigmatisation, n'en évite pour autant pas certains poncifs, sans aller vraiment au fond des incohérences et en dégager l'essence, préférant questionner comment la révélation de l'un entraîne celle de l'autre, comment l'anticipation du regard de l'autre sur soi peut orienter sa réaction et révéler sa propre problématique, ce qu'elle dit de ce soi mouvant... Une histoire où un homme qui se sent femme s'efforce parfois de garder malgré tout juste assez de masculin pour ne pas la perdre, par loyauté envers son histoire personnelle et familiale, parce qu'il le retrouve et l'aime en elle, aussi. Il amène ainsi "sa" femme à reconsidérer sa propre féminité en accompagnement son prétendu changement. L'idée transpire déjà du synopsis : la manière dont la femme, témoin de la révélation du féminin de "son" miroir masculin, lui permet d'évoluer une féminité assumée non plus à la manière d'un homme mais d'un être composé en parts variables des deux polarités. La supposée impossibilité de l'amour est doublement réfutée, le dénouement additionnel, qui enfonçe le clou comme on persiste et signe, dont le caractère presque injustifié constitue en soi une justification de sa propre existence. Malgré tout, l'amour reste, tenace, latent, immanent. Mais même véritable, il ne fait pas la relation qui fluctue au gré des limites que chacun s'impose par peur, fierté, incompréhension, possessivité, manque de recul... Terrible constat de l'œuvre de Dolan d'où émane aussi et surtout un vrai plaisir pictural richement référencé et une réflexion sur les transactions en jeu, ici sur le thème de la révélation, plus que du changement car le sentiment de féminité préexistait à la décision d'assumer publiquement son expression, qui provoque le rejet ostensiblement attendu et bouscule ses relations, mais conduit avec le temps à son épanouissement d'être libre de s'être choisi, entraînant à des degrés divers les siens dans son sillage, mais aussi aux dépens d'autrui, par dépit de n'avoir su vivre de manière plus intime et légère sa relation à lui/elle même dans le cadre de leur relation de couple. Dolan livre donc une œuvre sensible, intelligente et nuancée, propice à l'ouverture d'une réflexion et au dialogue quand les thèmes abordés interdisent de facto une analyse arrêtée.