Super doué, super poseur, super brillant, super agaçant, superficiel ? Le seul (très) jeune cinéaste qui répond à la définition, c'est bien évidemment le québecois Xavier Dolan, lequel, à 23 ans, en est déjà à son troisième long-métrage. Laurence Anyways est de loin le plus ambitieux, un pas de plus vers la maturité, qu'il devrait atteindre dans une vingtaine d'années, si tout va bien. On y retrouve les constantes de son cinéma, cette stylisation extrême, ces ruptures de ton, ces images façon clip, cette utilisation effarante d'un véritable melting pot musical ... Le tout, étiré sur 2 heures 45, durée excessive, qui n'échappe pas à un certain nombre de tunnels, rattrapés par des scènes époustouflantes, poétiques, métaphoriques ou tout au contraire hystériques. Laurence Anyways est un film militant, pour l'abolition des frontières sexuelles et l'intolérance induite, et romantique au possible, puisqu'il ne décrit rien d'autre qu'un immense amour, balloté et chahuté, soumis à des choix de vie radicaux (le changement de sexe pour l'un des deux partenaires), à la dépression, à l'usure et au regard des autres. Comme d'habitude, Dolan jette pêle-mêle ses idées sur l'écran. Ce n'est pas un long fleuve tranquille, plutôt une rivière torrentielle qui charrie tout ce qu'elle trouve sur son passage. Tout le contraire d'un film hollywoodien, dans l'imprévisible et le chaos amoureux. Malgré tout, le réalisateur use parfois de ficelles plus classiques, scénaristiquement parlant, comme s'il grandissait ou s'assagissait. Enfin, c'est tout relatif. Laurence Anyways est avant tout un maelström de sensations, plus souvent dans la gravité et le drame, contrairement à l'acidulé Les amours imaginaires. La performance de Melvil Poupaud sera à juste titre applaudi mais l'incendiaire Suzanne Clément, dans un rôle très complexe, n'est pas loin de lui voler la vedette. Et Nathalie Baye, formidable, parvient encore à surprendre.