Pour moi, Laurence Anyways est LE choc cinématographique en 2012, un véritable rêve de cinéma d'ont l'on ne voudrait jamais sortir. Un film complètement abouti, maitrisé à tous les niveaux. Xavier Dolan est pour moi un génie, qui à l'instar d'un Stanley Kubrick (si, si !) mobilise avec une rare virtuosité tous les moyens de cinéma, en terme de son, d'image, de montage, de musique, d'imaginaire fictionnel, d'écriture, d'influences cinématographiques pour livrer un objet filmique "total", "cosmique", d'une puissance quasi inégalable dans le paysage cinématographique actuel.
La différence avec un Stanley Kubrick - cerises sur le gâteau - c'est qu'il rajoute à son cinéma de "mégalomane" (au bon sens du terme : l'ambition et le goût du risque sont 2 qualités essentielles que doivent posséder tout grand cinéaste), une sensibilité "queer", une compréhension incroyablement fine de l'humain, un humour ravageur, un sens incroyable de la réplique, une esthétique du "mauvais goût" et de la vulgarité extrêmement élaborée, une manière - presque un art - de digérer des influences multiples et variées (Almodovar, Araki, Cassavetes, Cameron, Wong-Kar-Wai etc.) et de les incorporer avec une rare intelligence dans son imaginaire de cinéaste, pour livrer au final une oeuvre qui n'appartient qu'à lui.
Dolan est peut-être un pilleur fou (mais qui ne l'est pas parmi les grands cinéastes actuels ? : difficile de faire l'impasse sur l'histoire du cinéma !), mais un pilleur d'une cohérence et d'une virtuosité inouie.
Tout dans Laurence Anyways, plus encore que dans J'ai tué ma mère et Les amours imaginaires, me parle, me séduit, me bouleverse :
- Les dialogues sont profonds, pertinents, caustiques, brillants, drôles. Les échanges entre Melvil Poupaud et Nathalie Baye sont un régal dont je ne me lasserai jamais. Idem pour toutes les scènes entre Laurence et Fred.
- la direction d'acteurs, qui est exceptionnelle : Suzanne Clément dans un registre hyper spectaculaire, émotif, "félin", explosif, Melvil Poupaud dans un registre plus "infra", délicat, secret, pudique. Tous les acteurs secondaires (Nathalie Baye absolument géniale) sont idéalement castés et dirigés !
- Dolan gagne sur tous les registres : la fresque lyrique, la comédie queer, la drame sentimental, le clip au délicieux mauvais goût... Il n'y a dans son film, aucune minute à enlever. Les 2h 30 passent comme un rêve que l'on souhaiterait éternel...
- Tout, dans le film, bouleverse, touche vraiment au plus profond. Tout ce que dit Laurence Anyways sur l'affirmation de soi, le courage, l'égoisme parfois nécessaire, l'impossibilité du couple, la nécessité d'honnêteté envers soi-même et les autres, la solitude, l'impuissance à comprendre autrui, le poids écrasant des parents etc. témoigne d'une intelligence émotionnelle, d'une sensibilité, d'une finesse absolument prodigieuses pour un cinéaste de seulement 23 ans.
- Quant à la BO, je vais faire bref tellement elle est parfaite (le morceau final "Let's go out tonight" de Craig Armstrong, quelle merveille !)...
En bref, des films comme cela, aussi amples, puissants, ambitieux, risqués, bouleversants, euphorisants, il y en a très, très peu dans l'histoire du cinéma. Une chose est sûre : Xavier Dolan peut être désormais considéré comme l'un des très grands maitres du cinéma mondial !