Devenir gris.
Laurence Anyways raconte la nuance, "devenir gris" comme dans la chanson "Fade to grey" de Visage. Les choses ne sont pas noires ou blanches mais entre les deux : grises.
Laurence est dans un tourbillon identitaire, il est perdu, il se cherche, il expérimente. La seule chose qui semble fixe et stable dans sa vie c'est l'amour, celui qui le lie à Fred et celui qui le lie à sa mère. L'amour a-t-il des limites, des conditions ?
"- Tu m'aimeras toujours ? - Tu te transformes en femme ou tu te transformes en con ?" (Laurence et sa mère).
L'amour de sa mère est inconditionnelle, autant que celui de Fred. Ils vont chercher à surmonter toutes les épreuves ensemble. Ils s'aiment. C'est la passion ni plus ni moins. Ils sont sans cesse repoussés l'un vers l'autre même lorsqu'ils se séparent.
A tel point qu'à la fin du film, il arrêter de se travestir. Il est alors disposé à recommencer sur de nouvelles bases sa relation avec Fred. La scène finale illustre divinement et subtilement cette conclusion/ouverture sur l'avenir. Ils revivent la scène de leur rencontre. C'est un nouveau départ, maintenant qu'ils sont tous les deux en accord avec eux-mêmes. Rarement vu une fin aussi belle.
Laurence, tout au long du film, a l'occasion de prendre confiance en lui, de faire les expériences qu'il voulait, aller au bout de choses qui le tracassaient depuis son enfance. Il choisi finalement de vivre son amour pour Fred. C'est ça qui compte. Elle n'arrive pas à le suivre. Et lui ne veut pas la perdre. Peu importe son apparence physique, il reste la même personne. Il est Laurence dans tous les cas, Laurence anyways. S'il se sent femme, il n'a finalement pas besoin de se travestir pour se sentir bien. Ce n'est pas une paire de boucles d'oreilles qui va changer son identité.
Le marginal.
Cette notion est présente en sous-texte tout au long du film. Le regard, le jugement, l'apparence, ce que l'on montre ou non, le positionnement face à la norme, assumé ou non, sont des interrogations centrales des protagonistes.
"Je recherche une personne qui comprenne ma langue, qui la parle même. Une personne qui, sans être un paria, ne s'interroge pas simplement sur les droits et l'utilité des marginaux, mais sur les droits et l'utilité de ceux qui se targuent d'être normaux." L'idée maîtresse est d'être soi-même.
Cette histoire géniale est en plus mise en scène à la perfection. La performance des comédiens/comédiennes est époustouflante, les musiques sont particulièrement bien choisies, la photographie est magnifique. Un vrai bijou.
Ce film est purement et simplement le chef d'œuvre de Xavier Dolan.