Spielberg est assurément un metteur en scène obsédé par la guerre, en réfère le petit film qu'il réalisa sur la Seconde Guerre Mondiale à 14 ans, qui reste sa période de prédilection. Il l'a abordé sous différents angles avec La Liste de Schindler, 1941, ou encore il s'est tourné vers la Première Guerre Mondiale avec Cheval de Guerre, profitant de cette occasion pour instruire les américains qui n'y connaissaient rien. Il faut sauver le soldat Ryan fut un tournage éprouvant, marqué par des entraînements militaires menés par un vrai vétéran, ce qui permis aux acteurs d'expérimenter le mode de vie des soldats sur le champ de bataille. Spielberg a toujours eu un regard d'enfant au travers de ses œuvres, et Il faut sauver le soldat Ryan ne fait pas exception à la règle, ce qui n'absous pas le film de moments très, très sérieux et adultes. Contrairement à Cheval de Guerre qui partageait des morceaux d'horreurs avec de la naïveté qui lorgnait presque vers la comptine, ce qui colle avec les aboutissants du film, Il faut sauver le soldat Ryan ne présente aucune scène gnagnan, et ce, malgré un casting choisi qui offrait des stéréotypes. Tom Hanks se mue dans son rôle de capitaine maître d'école avec une facilité déconcertante, livrant le personnage le plus travaillé du film, et volant largement la vedette à tout les autres. Edward Burns joue le cynique de façade rongé par ses émotions impulsives qui font de lui, sous son humour noir acéré, l'être le plus humain du groupe. Jeremy Davies transfigure complètement son personnage, gamin égaré dans cette guerre, pas à l'aise dans sa peau et pourtant très attachant, dépassé par ses pulsions de peur comme un gosse, incapable de réagir face au danger à cause de sa sensibilité exacerbée, au final on peut le regarder de haut pour sa lâcheté, mais ce serait une grave erreur, car il nous renvoie un possible miroir de ce que nous serions si nous nous retrouvions à sa place. Vin Diesel donne une performance sobre et efficace, qui suffit à ce que l'on ne l'oublie pas une fois qu'il est éclipsé. Enfin tout le groupe semble soudé par des liens d'amitié soldatesques, qui ses sont sans doute forgés lors de l'entraînement grandeur nature qui a précédé le tournage. C'est ce qui rend leur quête si passionnante, car nous sommes bien dans le domaine de la recherche du Saint Graal, un Graal (incarné par Matt Damon, qui ne ne s'extirpe pas du convenu, mais n'en demeure pas moins touchant) dont ils n'ont rien à foutre et qui est nécessaire pour d'autre. En ce sens le film se rapproche du Monde Perdu : il y a un voyage à accomplir en territoire très dangereux, et on retrouve une structure similaire tout aussi redoutable. La nature si belle renferme des atrocités infâmes, elle est infestée de prédateurs, les événements dramatiques entraînent des scissions au sein du groupe, qui se révèlent plus mortelles que les ennemis eux mêmes. La partition de John William accompagne parfaitement cette grosse partie centrale du film, en créant une atmosphère sombre à la limite du survival. Surtout que les combats ne lésinent pas sur la brutalité du montage et le gore devient omniprésent tout en s'affichant sous différentes formes. Le début et la fin sont quant à eux des séquences ultra intense et spectaculaires, qui alignent des plans larges impressionnants avec des gros zoom sur des détails qui rajoutent de la dureté à l'ensemble (visages, mains qui tremblent...). Le débarquement sur les côtes de Normandie est une gigantesque claque assénée pour nous plonger dans le chaos de la guerre, limite documentaire, et l'attaque finale un sacré morceau de bravoure magistralement orchestré avec tout le talent emphatique que l'on connaît bien chez Spielberg. La réalisation brille d'une magnifique photographie, par le grand Janusz Kaminski, d'une mise en scène puissante, de décors très réalistes, et d'une musique de John Williams qui sublime le patriotisme qui eut pu être très agaçant sans cela. Au contraire, la larme n'est jamais très loin de l’œil, les premières et dernières minutes sont très « spielbergienne » mais fonctionnent mieux que d'habitude, grâce à leur simplicité qui là encore se rapproche d'un aspect documentariste. C'est ainsi qu'il élabore une œuvre majeure au sein de sa filmographie, incontournable et visibles un nombre incalculable de fois avant que l'émotion nous quitte.