Fresque historique réalisée par un Spielberg en très grande forme, "Il faut sauver le soldat Ryan" est un des films les plus marquants de son auteur. Et il est de loin un des mes préférés de sa filmographie.
Il faut dire que le coup de coeur a été immédiat dès le premier visionnage. Et pour cause: impossible de ne pas être marqué par une expérience pareille. Car au delà d'être une belle histoire pleine de sens et un hommage aux soldats tombés durant la guerre, "Il faut sauver le soldat Ryan" est conçu comme une pure expérience. Une expérience éprouvante car réaliste et totalement immersive. Et c'est bien LA grande force du film: l'immersion qu'il provoque. Spielberg réussit son pari de nous transporter dans l'horreur totale comme si on y était. Jamais je n'ai été aussi pris dans des combats, on a l'impression de tout vivre avec les personnages. L'exemple le plus évident est celui de la scène du débarquement, hallucinant morceau de bravoure qui démarre le film de bien belle manière. En passionné d'histoire qu'il est, Spielberg nous livre là une parfaite reconstitution de ce moment crucial de la seconde guerre mondiale. Tout est montré de manière frontale, autant dire que ce n'est pas un film pour les âmes sensibles. Mais toute cette violence est nécessaire pour le réalisme du long-métrage. Certains y verront un voyeurisme un peu trop appuyé (je peux comprendre), moi j'y vois surtout une volonté de montrer l'horreur de la guerre sans concession. C'est pas forcément agréable à voir (bon, c'est pas "Irréversible" non plus) mais l'intention est louable. Toujours en ce qui concerne les scènes impressionnantes, j'entends peu parler de la partie
dans le village de Ramelle
(de loin ma partie préférée du film). La scène du débarquement est restée dans les mémoires plus que le film en lui-même, mais je dois avouer que je lui préfère largement
son climax en mode guerilla. Toute la partie à Ramelle est d'une intensité proprement hallucinante.
Moment aidé, il est vrai, par le reste du film: on a déjà vécu plus de 2 heures avec les personnages principaux et on a tout le temps nécessaire pour s'y attacher. Si on est un minimum passionné par le long-métrage, tout cela rend cette dernière partie bien plus intense que la scène du débarquement.
Puis comment rester indifférent face à la mort atroce de Mellish (Adam Goldberg) ? C'est surement la scène la plus dérangeante du film: entre le dégoût que provoque cette mort et la lâcheté de Upham qui laisse son ami mourir, difficile de ne pas être hors de soi en regardant ça.
Non, franchement ça m'étonne de ne pas entendre parler davantage de cette partie, c'est un morceau de bravoure comme j'en ai rarement vu au cinéma. Mais si tout ce que j'ai cité jusqu'à présent est marquant, c'est bien grâce à une chose: la mise en scène extraordinaire (et je pèse mes mots) de Spielberg. Je crois qu'en la matière, il atteint tout simplement son apogée. Et pourtant, c'est pas comme si Spielberg n'avait pas déjà donné des pures leçons de mise en scène dans ses autres films ("Indiana Jones", "La liste de Schindler", "Jurassic Park", etc...). C'est dire le niveau. Sans cette mise en scène, le film perdrait énormément de sa force. Caméra à l'épaule, plan-séquences ingénieux, superbe gestion de l'espace...c'est juste exemplaire. Je reste à chaque fois bouche-bée devant tant de maitrise quand je me visionne le film. Il faut ajouter à cela un travail minutieux sur le mixage-son et l'immersion est totale. Seul Alfonso Cuaron réitèrera l'exploit pour son chef d'oeuvre universel "Les fils de l'homme". Au niveau technique, il faut noter que la photographie de Janusz Kaminski est comme d'habitude superbe. Et le montage est d'une redoutable efficacité. Pour ce qui est de la musique composée par John Williams, c'est une pure réussite. Les morceaux sont marquants et dotent le film soit d'un certain souffle, soit d'une mélancolie assez bouleversante. Mention spéciale au morceau final "Hymn to the fallen", très touchant.
Le film se dote d'un casting talentueux, mené par un Tom Hanks très charismatique en leader. Le reste du groupe se débrouille tout aussi bien, notamment Tom Sizemore et Barry Pepper. Quand à Matt Damon, il arrive à marquer les esprits malgré un rôle apparaissant assez tard dans l'intrigue. A noter qu'on retrouve beaucoup d'acteurs connus dans des seconds rôles comme Vin Diesel, Bryan Cranston, Paul Giamatti, Nathan Fillion, etc. C'est limite un festival. Si "Il faut sauver le soldat Ryan" est un film fort, c'est tout de même aussi grâce à son histoire. Alors oui, le synopsis manque singulièrement de réalisme: on ne risque pas la vie d'une dizaine d'hommes pour un seul (il faut tout de même savoir que le procédé de ramener le dernier d'une famille décimée chez lui en temps de guerre est authentique). Mais ce n'est pas important au final, car cette histoire n'est qu'un prétexte pour confronter les personnages à la brutalité psychologique de la guerre en plein territoire ennemi. Les hommes sont confrontés à de nombreux choix moraux terribles, ainsi qu'à une inhumanité totale auquel ils participent par manque de choix. Le film comporte de nombreuses scènes fortes concernant ses diverses thématiques,
comme celle ou l'Allemand les supplie de l'épargner ("La faute à Hitler !") ou celle ou Hanks s'isole en pleurant
. Le film soulève de nombreuses questions, et en cela il est intelligent. Le récit est agréablement écrit, contenant des péripéties passionnantes (les 2h50 passent quand même en un clin d'oeil) et des dialogues très efficaces. De plus, il y a de nombreux moments ou le récit prend son temps pour développer les personnages, les humaniser. Tous sont très attachants
et ça ne fait que rendre leur mort plus triste encore
. Chacun a une personnalité propre et est reconnaissable:
le capitaine charismatique, le second pragmatique, les naifs que sont le docteur et l'interprète, le sniper associal, etc.
Et aucun n'est un cliché. Si ça, c'est pas beau ! Tout cela fait que jusqu'au bout on suivra le film pour connaitre leur sort. Et cerise sur le gâteau, la fin est très émouvante et a même failli me faire lâcher une larme. Seul petit bémol:
le plan d'ouverture et de fermeture du film que constitue le drapeau américain.
Juste non. Spielberg pouvait largement s'en passer, c'en est limite grossier. Autre vision de la seconde guerre mondiale après le très personnel "La liste de Schindler" (tout aussi recommandable), "Il faut sauver le soldat Ryan" est un très grand film de guerre d'une puissance à ne pas négliger. Le film impressionne, éprouve et questionne. Et surtout: il est nécessaire tout comme l'est le film sur Oskar Schindler. Peut-être que la note maximale parait exagérée et qu'un manque d'objectivité se fait ressentir. Mais je ne peux m'empêcher de trouver que c'est un des films les plus aboutis de Spielberg, malgré un patriotisme qui, je le conçois parfaitement, peut agacer. Mais Spielberg n'est pas Michael Bay et la sauce prend parfaitement quand c'est bien fait."Y’a rien d’autre à faire ici que mourir..."