« La Maison des 1000 morts », « The Devil's Rejects », une fausse bande annonce scabreuse du dyptique Grindhouse (« Werewolf Women of the SS »), « Halloween », « Halloween II », un épisode de la série « Les Experts : Miami » rempli de guests, mine de rien, Rob Zombie est parvenu au fil des ans à se constituer une jolie filmographie, témoin d'une reconversion réussie du métier de chanteur de heavy metal à celui de scénariste – réalisateur.
Mieux, Rob Zombie a su imposer un style affectif d'auteur au cinéma, n'en déplaisent aux détracteurs, en défendant corps et âme ses ambitions artistiques les plus personnelles comme l'entreprise ratée « The Crow : Salvation » pour lequel il avait enregistré une chanson – titre et dirigé un vidéoclip, les opus de la saga « Halloween », quelques projets avortés (le drame sombre « Tyrannosaurus Rex », ou encore le remake du « Blob »), ne cédant jamais aux sirènes d'une industrie souvent capricieuse (lutte perpétuelle contre les comités de censure), quitte à se mettre à dos des producteurs – moguls de renommée internationale comme les frères Weinstein, ou des studios prestigieux (Miramax, Universal Pictures).
C'est ainsi que la « patte » Rob Zombie se décèle à travers ses films via ses castings, incluant généralement sa femme Sheri Moon Zombie, ainsi qu'une troupe de quelques fidèles (Sid Haig, Bill Moseley, Tyler Mane, Ken Foree), ou encore via les influences prononcées au cinéma de genre des années 30 (« White Zombie »), 50 (« Planète interdite »), 60 (« La Nuit des morts-vivants ») ou 70, la similarité de « La Maison des 1000 morts » avec le « Massacre à la tronçonneuse » de Tobe Hooper, les choix musicaux orientés seventies (Lynyrd Skynyrd, Joe Walsh, Terry Reid), la parenté du road trip porno / gore « The Devil's Rejects » avec « Bonnie & Clyde » en sont des exemples probants.
L'esthétique Rob Zombie, c'est aussi l'enchaînement de séquences très violentes, parfois à outrance, des personnages pervers, cruels, vulgaires et immoraux, le lien dangereux et limite empathique crée entre ces derniers et le spectateur, l'abord de thématiques « dures » chères au metteur en scène [les familles de meurtriers macabres et déjantés dans « La Maison des 1000 morts » et « The Devil's Rejects », l'ancrage des « boucheries » dans un univers souvent ultra réaliste (le quartier sordide et très violent de « Halloween » rompant avec le « confortable pavillon américain » décrit par John Carpenter)], l'intégration itérative de scènes de sexe, procédé qui lui est souvent reproché, ou bien encore des hommages déguisés aux films des Marx Brothers, dont il se revendique fan absolu.
Après avoir été un temps pressenti pour mettre en boîte « Pirates des Caraïbes 4 » (la piraterie tellement propice à l'univers Rob Zombie quand on y pense) et avant de diriger « Broat Street Bullies », Rob Zombie annonce finalement en septembre 2010 qu'il revisitera le mythe des sorcières de Salem.
En effet, après deux remakes (le premier volet d'« Halloween » plutôt pas mal et sa suite, nettement moins bien ficelée), le musicien – réalisateur Rob Zombie s'attaque donc aujourd'hui au célèbre procès des sorcières du XVIIe siècle avec « The Lords of Salem ».
Épaulé par les prolifiques producteurs Jason Blum, Steven Schneider et Oren Peli, présent sur les écrans en ce moment avec « The Bay », « Dark Skies », et prochainement « American Nightmare », « Insidious 2 », « Paranormal Activity 5 », Rob Zombie a hélas essuyé un fâcheux revers de fortune aux USA, avec des critiques épouvantables et un bide monstrueux au box-office. Échec légitime ou film incompris ?
Synopsis Allociné : Alors qu'elle passe un vinyle à l'antenne de la radio pour laquelle elle travaille, Heidi réveille un groupe de sorcières tuées au XVIIe siècle à Salem et ayant juré de revenir se venger …
On se délectait les papilles à l'idée de retrouver Rob Zombie derrière la caméra d'un film de sorcières. Sauf que « The Lords of Salem » lorgne plus du côté de la farce parodique que du chef d'œuvre de genre, captivant et effrayant. Bénéficiant pourtant d'un statut assez rare à Hollywood pour être souligné – en gros, les pleins pouvoirs sur son film (scénario, casting, final cut) – Rob Zombie réalise paradoxalement son plus mauvais long-métrage.
Comme à son habitude, Rob Zombie fait tourner son épouse face caméra, Sheri Moon Zombie, qui se retrouve cette fois en proie aux fantômes des sorcières de Salem, revenues d'outre-tombe pour se venger et hanter les habitants. Rob Zombie emploie également avec enthousiasme Michael Berryman, le colosse de « La colline a des yeux », dans un rôle éclair, ainsi que Sid Haig, le Capitaine Spaulding de « La Maison des 1000 morts » et « The Devil's Rejects ». Tout ce beau monde y met du sien, mais pourtant rien n'y fait, la mayonnaise ne prend pas.
Rob Zombie s'emmêle complètement les pinceaux à force de vouloir rendre à tout prix hommage à quelques-unes de ses références (« Rosemary's Baby » en tête), et filme pêle-mêle, sans réel sens aux images, des passages oniriques psychédéliques very clipesques assez déroutants, ainsi que des flashbacks tellement kitsch qu'ils font doucement rigoler. Ces séquences sont nouées par l'intermédiaire d'un scénario maladroit, décousu et désemparant, qui ne fait la part belle qu'aux visuels, sans attachement possible aux personnages. Ainsi, on suit la lente décente aux enfers de la jeune DJ Heidi sans empathie, nous pourrions même plutôt parler de détachement. Quel dommage !
L'inépuisable source cinématographique qu'est la sorcellerie demeure inexploitée, certains personnages semblent combler des lacunes scénaristiques évidentes (celui incarné par Ken Foree), le bouchon est parfois même poussé jusqu'à l'ennui le plus total devant des séquences qui tirent en longueurs, et enfin, le malaise survient lorsqu'on a parfois l'amer impression que Rob Zombie a réalisé son film dans son coin, sans penser un tant soit peu au plaisir du spectateur, avide de frissons (les étranges créatures démoniaques présentes dans les visions d'Heidi balancées fissa, sans la moindre explication). À croire que Rob Zombie voulait prouver au monde qu'il est un artiste arty incompris et incompréhensible. Et ainsi, les quelques bonnes trouvailles de « The Lords of Salem » (la maîtrise de la sorcellerie comme gage de pouvoir, la dimension hallucinatoire) tombent dans la choucroute à cause de tout le reste, de ce grand « what the fuck cinématographique » orchestré par un metteur en scène rendu dispensable.
Mais où est le studio dans tout ce bordel direz-vous ? Probablement trop occupé à savourer le succès des « The Purge », « Sinister », « Insidious » et consors …
Bilan : « The Lords of Salem », dernière film du père Rob Zombie, est un naufrage artistique sur quasiment tous les plans, du scénario incongru aux idées visuelles tendance démentes en passant par l'irrespect de son public. Un film aux antipodes des autres moutures du réalisateur à dreadlocks.