Le plus réussi, dans America Latina, c'est son affiche, un crâne d’œuf fissuré qui représente parfaitement le fonctionnement bizarre de la tête du héros du film des frères d'Innocenzo, un simple dentiste de province, jusqu'alors heureux avec sa femme, ses deux filles et son chien. Quelque chose s'est brisé en lui avec la découverte d'une jeune femme dans sa cave et dès lors tout va dérailler, au fil d'un récit qui se veut surprenant en son dénouement mais qui ne l'est pas tant que cela, tant les indices menant à la conclusion existent bel et bien. C'est sans nul doute le moins bon film des deux frères, non seulement par sa laborieuse progression dramatique mais aussi par ses effets de style, un temps séduisants, mais finalement gratuits, avec des gros plans incessants et de jolies images plus ou moins enténébrées. Peut-être aurait-il fallu un contrepoint à une narration exclusivement organisée autour des faits et gestes du dentiste, en proie aux doutes, par exemple en offrant davantage d'espace aux personnages bien trop secondaires, dont l'ami de bringue du praticien. Elio Germano ne démérite pas, bien au contraire, c'est un comédien talentueux, aucun doute n'est permis. Mais il ne peut à lui seul donner chair à un sujet qui n'est pas neuf et rendu peu passionnant par son traitement marqué par les afféteries de la mise en scène. La plus grande énigme du film, en définitive, restera le choix de son titre : America Latina !