Pourquoi avoir choisi ce titre pour décrire "l'après Béjart"? La réalisatrice espagnole y répond en une phrase: "Il faut le cœur pour garder la mémoire, et le courage pour travailler, créer en cheminant vers demain". C'est ainsi qu'elle définit le travail de Béjart qui se poursuit à travers Gil Roman, disciple du maître. Entré en 1979 dans la compagnie, il a petit à petit approfondi sa relation avec Maurice Bejart. Sa mission consiste avant tout à transmettre aux danseurs l'esprit et les valeurs du chorégraphe. Il le signale lui-même, à la fois fier et effrayé, "Je suis responsable de ce passage, de cette transmission de la vie, de cet amour. Il faut que j’arrive à donner le goût de cela".
La danse est à l'honneur. En 2009, le documentaire de Frederick Wiseman sur l'Opéra de Paris dévoilait les rouages d'une institution peu commune et exigeante. Le réalisateur s'était attaché à dépeindre l'effort de transmission des professeurs et l'amour des élèves pour le travail et le film avait remporté un franc succès, à la fois critique et public. Cette année, le documentaire sur la danse revient sur les écrans. Les Rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch retrace le travail accompli par deux danseuses et un groupe d'adolescents qui montent un des plus célèbres spectacles de Pina Baush, son Kontakthof. Un hommage posthume à une grande dame disparue en 2009, mais surtout une ode à l'adolescence et aux fêlures qui accompagnent cette période de la vie. Parallèlement, le film de Arantxa Aguirre se concentre plutôt sur la notion de transmission et d'héritage, la trace que Maurice Bejart laisse dans les esprits de ses disciples et élèves.
Si certains grands de la danse ont disparu, leur souvenir devient vivant et leur énergie palpable devant la caméra de ces trois réalisateurs.
La danse et le théâtre, même combat? Pina Bausch répondrait sans aucun doute positivement à cette question, elle qui a su créer une nouvelle forme de chorégraphie, oscillant entre l'art théâtral et la danse contemporaine.
Gil Roman, le successeur de Béjart, a également essuyé les planches. Il a été tour à tour, Brel, Charlot ou encore Hamlet, et a donc parcouru un répertoire des plus surprenants! Selon lui, "la danse est théâtrale par essence et peut par conséquent utiliser les mêmes outils".
Si le documentaire rend hommage, en filigrane, au Maurice Bejart, danseur, il est aussi un clin d'œil à l'esthétique cinématographique déployée par le chorégraphe dans les années 60. Cinéphile averti, Maurice Bejart a lui-même réalisé plusieurs films sur la danse et plus particulièrement sur ses ballets et sur ses interprètes. Citons, entres autres, Bhakti sorti en 1968 ou encore Le Sacre du printemps de Maurice Bejart qui date de 1970. Ses deux premiers films sont marqués par le style brut de la prise de vues en décors naturels, l’aspect répétitif du montage, le ton subjectif et littéraire de la bande-son qui les rapprochent de la Nouvelle Vague de l’époque.