Bien entendu, Guerrière n’a ni le charisme ni la force de frappe du chef d’œuvre de Tony Kaye, American History X, mais celui-ci représente une nouvelle approche rédemptrice d’une jeunesse haineuse. Au travers du vécu d’une jeune allemande, le film vient illustrer le profond désarroi social qui renvoie la jeunesse à glorifier un mal passé, une vision sociale diabolique et abolie alors qu’eux ne peuvent s’intégrer, idéologiquement ou financièrement, à celle d’aujourd’hui, la démocratie. Enrôlés par l’esprit dans les rangs de groupuscule néo-nazis, comme ici par un vieil homme déjanté apparaissant comme un vieux gourou, cette jeunesse radicale et extrémiste vit sa vie en passant à coté de bien des réjouissances qu’offre la vie. Alors que Marisa, dans un accès de colère, commet, pour elle, un crime, elle tentera par la suite de réparer les morceaux.
Aidant finalement, a pris coûtant, un jeune réfugié afghan à traverser la mer du nord pour rejoindre son frère en Suède, Marisa outrepasse son idéologie, son mode de vie. Enfin sortie du monde extrémiste de son entourage, la jeune fille se sent vivre en aidant son prochain. Mais le passé ne nous rattrape t-il pas toujours? Guerrière est un film quasi documentaire qui illustre très adroitement de la mentalité qu’ont certains jeunes allemands, européens, américains, pouvant se sentir rejetés et se vouant corps et âme à l’apologie du nazisme, tous tatoués qu’ils sont de croix gammées, de têtes de morts et de symboles militaires des années 40. Si le destin de Marisa, dans le film, n’est pas franchement inattendu, il aura au moins le mérite d’être très habilement mis en scène.
Très dynamique, la photographie permet d’approcher l’intimité des personnages, de Marisa, au look improbable, à la haine à fleur de peau, à son amant, skinhead parmi les plus emblématiques, en passant par une jeune fille docile, des amis violents et un jeune réfugié politique afghan qui ne semble pas avoir à s’inquiéter d’une symbolique européenne d’il y a 60 ans. Fort heureusement, le cinéaste à la barre ne consacre que peu de temps à développer l’idée d’un groupuscule violent, préférant se concentrer sur la psychologie de ses personnages, leurs idéaux, leurs vocations. A ce titre, le film effleure un bon nombre de problèmes sociaux propres à la jeunesse, qu’il s’agisse de drogue, de violence gratuite, d’endoctrinement ou d’abus de faiblesse.
Alors que dans le groupe de jeunes extrémistes, chacun ne semble pouvoir faire preuve de respect pour autrui, la jeune Marisa se détourne de ses amis pour tracer sa route, celle qui mène pour elle à la rédemption, sans se soucier de son entourage. L’impact qu’aura eu sur Marisa son grand-père, personnage qui revient hanter l’esprit de la jeune fille continuellement, est sans doute la manière choisie par le metteur en scène pour justifier la forme d’esprit que prend sa jeune héroïne. Les enjeux sociaux sont indomptables, le sujet douloureux, d’autant plus pour les allemands d’aujourd’hui, mais le cinéma indépendant ose, lui, provoquer l’émoi chez le public et lui rentrant dans le lard sans ménagement. Si l’histoire de la jeune Marisa n’est pas une réussite majeure de cinéma, il s’agit pourtant là d’un film authentique et très bien réalisé. 14/20